Ski Budo Shugen

Wandering in winter

 

 

 

Ski libre en poudreuse...

Pratiquant d'arts martiaux depuis longtemps, je vais néanmoins essayer de m'exprimer, non pas avec un vocabulaire "martial", mais avec mon vocabulaire de "rider"!

Rider une face vierge par une journée ensoleillée, tracer une ligne sans un seul arrêt....c'est une grande sensation... Les skieurs qui commencent le hors-piste (off piste) sont plein d’appréhension. Ils se retrouvent dans un élément qui est vaste, comme un novice de la voile en pleine mer. L'important, c'est d'aimer et d'apprécier la montagne, de vouloir partager des moments particuliers, soit seul ou avec des amis. L'envie de skier dans des endroits superbes de par le monde, de se retrouver parfois dans des situations difficiles, oblige à se dépasser, comme  dans les arts martiaux!

Cette discipline est "authentique", en relation avec la Nature. La glisse dans la poudre est une "méditation active".

Skier c’est, au début du moins, se battre contre soi-même...

Le ski backcountry, avec ses sauts, est en train de pénétrer le ski de pleine liberté:

 

Lorsque l'on essaye simplement de "progresser", on peut finir par s'ennuyer... Il faut aller au-delà! Ne faire qu’un avec la montagne… Faire que sa trace éphémère soit un plus; une signature humaine sur le divin, une calligraphie mettant en valeur la montagne et non une affreuse cicatrice sur le visage blanc de la Déesse.

C'est le plaisir d’Eternité qui doit être la motivation du skieur de pleine liberté. Dans la poudre profonde, on peut y aller à fond et tenter de nouvelles choses, sans prendre trop de risques... C'est plus souvent sur la neige dure que l'on risque des blessures... C’est assez rare dans la "poudre "(avec les protections) à moins de chuter sur des rochers ou dans des barres rocheuses, d’être pris dans une avalanche. Et là le sac à dos ABS peut vous sauver la vie !

Skier sur une piste damée ou neige dure et glisser en neige poudreuse, c'est la différence qu'il y a entre le patin à glace et le ski nautique. En ski freeride (Free skiing), il faut avoir l'esprit ouvert sur d'autres disciplines qui sont susceptibles d'apporter un plus. Le ski de pleine liberté est multiple car il a plein d'aspects différents. Chaque montagne est différente. La manière de skier progresse d'année en année. Les choses changent constamment et ce n'est jamais pareil. Cette énergie "sauvage" qui caractérise la façon de skier de Perret, Morrisson, Gavaggio, Niol, Raisson, Maître, Chicherit, Gaidet, Ducros, Michaud, Coirier, Purgin, Allemoz, Meynet, Diet, Abma, Pollard, Burks, David, Falquet, etc est aussi une façon "martiale" d'aborder le ski pour certains! Le style Zen de Dominique Perret, la façon coulée et aérienne de Coirier, la ligne de crêtes de Gavaggio dans TX3, sont presque des « méditations ». En tout cas leurs « lignes » sont de véritables oblations à la Montagne. C’est ainsi que je conçois le Grand Ski ! Comme dit Dark Lord : « il faut trouver son propre style », car la montagne nous permet d’être créatif.

Adrien Coirier, Manza Japon (photo copyright Dom Daher)

Il y a des bons et des mauvais moments pour faire les choses... La montagne nous enseigne en permanence et tous les accidents « non mortels » sont porteurs d’un message constructif pour l’avenir…

Le grand mensonge qui consiste à trouver un bon job, penser au futur, payer ses impôts, faire partie de tout ce bazar, de ce que la société représente...Ce mensonge doit-il mener le "rebelle" qui sommeille en chaque skieur de pleine liberté ou en chaque pratiquant d'ars martiaux?

La première chute de neige de la saison ramène la vallée à la vie...
...Les montagnes (comme les arts martiaux) cèdent de plus en plus de terrain face au mercantilisme… La montagne apprend le respect. Rider une pente, est comparable à chevaucher son propre esprit…

Le ski est une quête « Arthurienne » sans fin, qui nous entraîne dans des lieux les plus incongrus... Tourner en douceur dans la poudre fraîche; privilégier souplesse et beauté du "run", a quelque chose de magique... Bien sur, on peut y placer plus de "tricks" techniques, adopter une fluidité qui donne envie de skier (pour celui qui regarde).

Le style du ski est à mon sens primordial face à la technicité des sauts en ski de pleine liberté.

Sylvain-Kûban, vallée des Avals, Alpes, St Bon

Comme dans les arts martiaux où tout échange est positif, il faut en ski, fréquenter les anciens (et même des snowboarder)! Cela débouchera toujours sur quelque chose de positif. Opter pour un run avec une ligne rapide où l'on peut faire des grandes courbes, où un run plus lent, où l'on peut poser un saut naturel. Un ski avec une fluidité et des sauts possibles sur un terrain naturel...

Les ski aux pieds, fendre la poudre, c'est comme fendre l'air avec le sabre, plein de vitalité et de souplesse, ou bien réaliser une calligraphie dans la poudre avec ses spatules pour pinceaux !

Le ski de pleine liberté permet une meilleure réhabilitation neurologique des TC (brain injured), en développant les ondes Théta & Alpha dans le cerveau si un processus méditatif y est associée… (J’en suis le meilleur exemple).

 

Un bon skieur de pleine liberté est un vieux skieur, comme dans les arts martiaux où la longévité est préférable à la courte vie du guerrier féodal...

Caresser les douces courbes moelleuses, arriver à fusionner, en harmonie, avec la Montagne pour ne plus faire qu'un avec elle; c'est le but de tout acte amoureux, de tout acte tantrique. Telle est ma « Glisse Intérieure » (inner glide).

    

 

Xtremerider.teamwolfpack@wanadoo.fr

Sylvain février 2013 St Bon

 

 

 

 


 

 

GLISSE INTERIEURE AU JAPON

ou lorsque le ski devient méditation…

Les trois dernières semaines du mois de février 2008 sont consacrées au tournage de notre film au Japon. C’est l’Association « Team Wolfpack » que je préside qui va le réaliser. L’équipe se compose d’un caméraman pro de chez Happy Ride, Dino Raffault. Yann Picot sera l’autre caméraman.. Il y a aussi un photographe professionnel de ski Dominique Daher. Olivier Bourdet skieur freeride (travaillant pour l’un de nos mécènes) et Adrien Coirier, skieur pro, membre cadre de l’association. Une japonaise Lié Ishihara est notre « chargée de communication au Japon » et moi-même. Le sujet du film est de raconter l’histoire d’un échange entre un skieur professionnel et son préparateur mental, entre un freerideur qui se classe parmi les dix meilleurs du monde et un skieur avec des déficiences pour qui le ski est un moyen de réhabilitation neurologique. Ce film montrera aussi le retour aux sources dans un Japon traditionnel et ancestral perpétuant des techniques particulières de méditation  au 21ème siècle. Je servirais de guide à Adrien alors que lui-même sera mon guide pour mes premières traces au Japon dans la neige poudreuse. Il m’a fallu quatre saisons entières dans les domaines des Trois Vallées notamment à Courchevel, le domaine Killy et à Argentière pour être à un niveau "acceptable" en ski. Depuis deux saisons, je prends à nouveau des cours de ski régulièrement. Un grand merci à tous mes amis de Savatou et instructeurs (Pim, Marco, Yano, Hervé, Olivier, Poussin, Têtard, Basilou ; un particulièrement de Courchevel 1650 (FM), qui a déjà skié au Japon, sur Shiga-kogen avec des malentendants. C’est grâce à la générosité de nos mécènes que Wolfpack a pu réaliser ce projet de plusieurs milliers d’euros. Merci au joaillier BOUCHERON, place Vendôme à Paris, au laboratoire pharmaceutique LMBD/Algues mer, à l’entreprise en bâtiment EMBA ( Montmorency) et à Air France qui nous ont bien soutenus. Un peu juste pour le bouclage financier, chacun prend en charge son billet d’avion…

A peine arrivés à l’aéroport international du Kansai à Osaka, nous louons une voiture et une fourgonnette pour nos 500 kilogrammes de matériel et nous nous rendons à Kyoto. Arrivés le matin à l’aéroport international d’Osaka , vers les 15 heures, nous sommes installés à l’Hôtel « Hiean-no-Mori » dans le quartier de Sakyo-ku, près du temple Shogoin à Kyoto après 2 heures d’autoroute. Pas le temps de se reposer ! Nous prenons nos affaires pour nous rendre à Fushimi, dans le sud de Kyoto, afin de tourner notre première scène de cascade à Kyotaki, malgré une circulation urbaine très dense. Avec la lumière de fin de journée, les portiques rouge shinto sont lumineux ! Le lendemain, nous filmons le matin au temple Kinkakuji, le célèbre Pavillon d’or.

L’après midi nous avons rendez-vous avec les moines bouddhistes du temple Shogoin pour la cérémonie du feu en vue de la « bénédiction » de nos skis afin de pouvoir skier sur les montagnes sacrées du Japon. Le point central du film étant la montagne au Japon, j’ai voulu montrer à Adrien cette forme de bouddhisme montagnard qu’est le Shugendo et j’ai donc requis de la part des moines du temple Shogoin (dont je fais partie) d’exécuter la cérémonie la plus secrète du Shugendô, celle du feu ! Feu & Eau sera aussi un autre thème du film, avec les cascades de Fushimi et celle du volcan Asama ensuite. Une fois la cérémonie achevée, nous avons un entretien avec le Gomonshu Miyagi Tainen, le supérieur du temple impérial Shogoin qui se trouve être l’un des grands Maîtres actuel du Shugendô. Puis j’effectue dans le temple, une démonstration de sabre japonais.

Le lendemain dans la nuit, nous quittons Kyoto pour aller à Manza, le plus haut village du Japon, dans les alpes japonaises de la préfecture de Guma, en limite de Nagano. C’est un trajet qui nous prend toute une journée en voiture. Il se met à neiger fortement au départ de Kyoto. Si le Japon est tropical en été, l’hiver est sibérien et les cumuls de neige y sont astronomiques ! A Manza, station thermale de réputation nationale, nous nous présentons à Tatsuyuki Kuroiwa, directeur de l’école de ski. Grâce à son aide, à celle de son assistant monsieur Ogata, et de l’hôtel MANZA ONSEN, nous avons toutes les autorisations pour skier en hors piste, à condition de ne pas se faire voir car le hors piste est interdit au Japon. C’est une chose fort dommageable, de surcroît si les petites stations, par exemple celles de Manza, Kusatsu et Shiga-Kogen étaient reliées entre elles par un seul domaine et que le ski hors piste soit autorisé, avec la neige poudreuse d’ici, ce serait l’une des Mecque mondiales des Freeskiers, du ski-hors-piste , tant la qualité de neige est fantastique. Kuroiwa, formé à l’école autrichienne de ski, est le pionnier du «free skiing» au Japon. Il nous prête une copie VHS du film qu’il a réalisé en 1976 où on le voit avec ses instructeurs faire du ski en poudreuse afin que nous puissions mettre des passages dans notre film. Grâce à ses conseils, nous nous rendons directement aux endroits pour tourner. Pas besoin de perdre des heures en repérages fastidieux. C’est un gain de temps des plus appréciables. Je savais que la neige au Japon était particulière et je voulais la faire découvrir à Adrien comme à Olivier ; une personne que ce prénom définit très bien, tant il est pur & dur ! Cinq jours de neige, avec 50 cm de neige fraîche tous les jours… On peut tous les jours « griffer » le domaine en entier car le lendemain, les traces sont recouvertes et c’est à nouveau praticable ! « C’est magique ! » Comme dit Adri. Une après midi où il neige fort à Manza, nous en profitons pour nous rendre au pied du volcan Asama où j’ai repéré à l’automne une cascade importante pour y pratiquer le TAKIGYO, ablution rituelle dans la cascade ! Adrien pense qu’elle sera entièrement gelée et promet de se raser les testicules si l’eau coule encore… Elle se trouve à une heure de voiture de Manza, sur l’autre montagne… Malheureusement pour Adri, une eau à 2° degré coule, certes emmaillotée dans une colonne de glace… C’est magnifique. Après la cascade, je réalise une séance de calligraphie car je tiens à montrer le parallèle entre des skis, un sabre, un pinceau ; la similitude entre tracer dans la neige poudreuse et fraîche avec des skis et tracer des idéogrammes sur une feuille vierge de papier. Vaste projet que ce film… car il doit aussi être un message d’espoir pour d’autres lésés cérébraux dont le sentier de réhabilitation est ardu ! Peut être plus difficile que le mien encore. Ce sera plus qu’un film sur le ski. Il montrera de multiples aspects allant du Japon traditionnel que je connais pour y avoir vécu longtemps à l’échange entre un skieur valide de haut niveau et un traumatisé crânien pour qui le ski libre se trouve être l’un des moyens efficaces de réhabilitions neurologiques…

C’est un voyage poétique et sportif sur le dépassement de soi-même !