Ascèses du feu

Cérémonies du feu dans le Shugendo

Révérend Kûban, concentration sur l'élément FEU Kassyo-zanmai  Val d'Isere cession

Hashiramoto goma cérémonie du feu au temple Shogoin par le Révérend Kûban

Dans le Shugendo, il existe de nombreux rituels de tous genres : offrandes, requêtes ou bénédictions. Ils sont destinés aux bouddhas et divinités, soit pour conjurer, pour formuler une demande, pour contraindre certaines forces, exorciser, bénir une union, des ex-voto, pour charger des amulettes...

Les plus secrets d'entre tous et les plus difficiles à réaliser sont les rituels du feu...

A l’origine la cérémonie du feu (homa en sanscrit, goma en japonais) est un rituel d’offrandes brahmanique consacré à l’élément feu et au dieu Shiva. Par la suite, il fût adopté par le bouddhisme ésotérique (mikkyo). L’ésotérisme mélangé, le « zomitsu » du shugendo, lui attribua un sens différent de celui qu’il avait en Inde.

Uniquement pratiqué par des prêtres ou laïcs ayant reçu la transmission et l’initiation, les yamabushi du shugendô ont parfois un rôle actif à jouer durant cette cérémonie. Ils peuvent mettre une partie des bûchettes à brûler dans le feu s’il s’agit d’un grand brasier à l’extérieur !

Il existe plusieurs catégories de rituels du feu. Chaque rituel fait l’objet d’un enseignement très minutieux. Ce n’est pas qu’un simple feu que l’on allume…

Le but secret de cette cérémonie est la combustion, la sublimation des passions (de l’illusion) par le feu de la Connaissance du Bouddha, à travers une méditation très précise !

Il existe quarante quatre variétés de rituels du feu d’influence brahmanique. Ils sont regroupés en deux grandes familles : les rites externes et internes. Le "goma interne" est celui effectué par la pensée (Hôkkai goma, Ji-Goma et Ri-goma). Le "goma externe" est celui comportant une manifestation « visible » du feu : saito Dai goma, Fudo goma, Hashiramoto goma, dans un temple ou en extérieur dans une aire dégagée, afin de pouvoir réaliser un bûcher avec des troncs d’arbres. A l’intérieur d’un bâtiment est pratiqué le Sokusai-goma (en sanscrit sanktika-homa), rite d’offrande à Fudo pour lui faire des requêtes, le Paustika-goma, rite de conjuration ou l’Hashiiamoto goma !

Les religieux du mikkyo parlent de quatre catégories de rites du feu.

HÔKKAI-GOMA : les éléments principaux de vénération sont le ciel et la terre et faire un feu en ce monde, revient à visualiser que chaque histoire des hommes est une « dharani » offerte au Bouddha pour obtenir le satori de tous les êtres.

RI-GOMA : les trente-sept bouddhas sont dans le cœur de l’ascète où un feu continue d’y brûler nuit et jour par la pensée, surtout durant un pèlerinage pour les yamabushi. La bouche du pratiquant est le brasero (Gama), la respiration, c’est la fumée. Le feu à l’intérieur du corps est l’offrande qui brûle les passions pour l’obtention de l’illumination.

JI-GOMA : les poumons sont le bois de sapin à brûler, la vessie l’endroit où se trouve le feu, la rate est l’endroit pour brûler les passions (bonnir) afin de retrouver le satori originel et adamantin de la lettre A. C’est une alchimie taoïste.

Ces trois formes d’oblations du feu sont toujours employées conjointement par les pratiquants qui réalisent « l’ascèse de la marche » (kaihogyo)

SOKUSAI GOMA  le banquet d'offrandes offert à Fudo-Myô ou Fudo-goma

C’est le rite le plus couramment employé dans l’ésotérisme bouddhique. Rite d’offrandes à Fudo Myô. Les bûchettes à brûler (de cinquante quatre centimètres de longueur, mises en six fagots) représentent les six organes de perception du monde (rokkon). Les trois tours du lien qui attachent chaque fagot, symbolisent les trois poisons issues des passions (l’attraction, la répulsion et l’erreur). La cendre est le retour du corps au sein de la nature originelle (Hongaku). Le feu est le lieu de manifestation du « Bouddha courroucé Fudo Myô » et des flammes de sagesse qui l’enveloppent. L’encens, les huiles, l’eau parfumée, les fleurs et les mets divers jetés dans le feu sont les offrandes offertes à Fudo et à tous les conviés au banquet. Le brasero devient alors une porte sur un « autre monde » que franchit l’officiant par la méditation durant le rituel.

Il existe une autre forme du rituel du feu nommé SANKAKU-GOMA, un rituel du feu dont le brasero est de forme triangulaire. C’est un rituel très secret pour détruire les obstacles en tuant par magie... Le temple Shogoin, pour ce rituel particulier, suit la version ramenée de Chine par le moine Enchin!

Dans le Shugendo deux rites du feu sont très employés : le Saito Dai goma (grande cérémonie du feu de menu bois), une cérémonie se déroulant en extérieur dans laquelle les rites de la cérémonie qui se succèdent sont réalisés par différents yamabushi et puis, le rite de l’Hashiramoto Goma (ou Hashiramoto goma Jinpihô), rituel secret du feu et de l’offrande aux piliers sources de l’univers.

Rite du feu effecté par le Général Supérieur (Gomonshu Miyagi) du temple impérial Shogoin de Kyoto

La plupart du temps les rites du feu, venant du bouddhisme ésotérique, sont dédiés au « Bouddha Courroucé » Fûdo Myo qui symbolise la fermeté et la détermination. C’est symboliquement, un repas où le moine offre à boire et à manger aux forces qui viennent dans le feu. Différents types de condiments sont offerts pour ce banquet: de la crème de lait, aux fleurs, en passant par les cinq céréales, l’encens et l’eau et surtout l’huile de sésame. Il n’y a que deux formes de rituels du feu qui ne sont pas dédiés à Fudo : le goma à l’extérieur dans l’école Haguro-shugen, dédié au « Bouddha de Lumière Infinie qui règne sur la terre de l’Ouest » Amida Nyorai et le rite de l’Hashiramoto Goma ( rite du feu typique du shugendo) dédié à Dainichi Nyorai. Le rituel de l’Hashiramoto Goma se divise en cinq parties, dont le rite du « durcissement de la couche » (Tokogatamé), l’offrande aux « piliers sources de l’univers » (Hashiramoto sahô) et le rite du feu proprement dit. Ce feu est en fait un bûcher ou le méditant se consume lui-même par la pensée, comme on brûle le corps dans une crémation funéraire en Inde, en construisant une grande tour avec des rondins de bois sur lequel on pose le corps. Sans huile, c’est donc "un goma sec"! Ce rite secret nécessite une transmission de Maître à Disciple (denju). Nous n’en donnerons que la signification et le déroulement des lignes principales

Agissant envers toutes les créatures, ce rite démontre les principes célestes et terrestres qui régissent l’univers.

Il montre les racines de la compréhension de l’union de tous les principes dans l’univers. Ces piliers (hashira) sont les « racines » qui soutiennent l’univers ; la source (moto) de l’union du ciel et de la terre, du yin et du yang. C’est une méditation sur l’univers afin d’en comprendre les mécanismes secrets d’une façon intelligible. Il démontre que l’eau est le principe vital et fondamental à toute vie : ciel et terre, mâle et femelle, naissent de l’eau puis se séparent et retournent à l’eau. Les êtres, gyojas (pratiquants du Shugen) naissent de l’eau. Les deux bâtons (nyumoku) recouverts de tissus noir qui entourent le bâton central (revêtu de brocard) sur l’autel central, sont ces piliers montrant la respiration de la vie (hélium et hydrogène), le père la mère, le Yin et le Yang. Cette respiration du féminin et du masculin enseigne les principes liés à l’eau. Mon corps (le pilier central revêtu de brocard) constitué des cinq éléments, est semblable à celui du Bouddha universel Dainichi. Le rituel est une attestation de cette vérité ! L’univers spatial à l’intérieur du corps du pratiquant est semblable à celui de l’extérieur. L’autel carré (Goma) où se déroule la cérémonie est assimilée à la lettre A, l’origine d’où tout provient et où tout repart. Le SUIRIN, le récipient où l’on verse l’eau, qui fera grandir les trois piliers enchâssés (les deux nyumoku noirs et l’Akka fuda de brocard), est la racine de tous les êtres; l’union des deux eaux, du ciel et de la terre; du père et de la mère, de l’eau blanche et de l’eau rouge. Les deux bâtonnets Nyumoku sont revêtus d’un fin tissu de soie noire. Si on enlève ce tissu, on découvre que celui de droite porte la lettre sanscrite BAN (Kongokai mandala, le mandala de la pensée) signifiant que les fidèles cheminent vers le Bouddha Dainichi et que celui de gauche porte la lettre A (Taizokai mandala, le mandala du monde phénoménal) signifiant que le Bouddha Dainichi se tourne vers tous les êtres.

Le bâton de gauche est en bois de saule. Il représente l’entrée en montagne qui se déroule à l’automne et durant l’été (Akki-no-miné), la direction de l’Est, la déesse Izanami, le yin avec son aspect femelle, l’eau rouge, l’intérieur du temple, la terre (chi), le côté gauche du corps. Le bâton de droite est en marronnier et représente les ascèses qui se déroulent au printemps (Aru-No-Miné), la direction Ouest, le père et l’aspect yang, le dieu shinto Izanagi, le blanc, le dharma, l’extérieur du temple, le ciel (ten) et le côté droit du corps humain.

Ce rituel retrace la création de l’univers avec son big-bang et remonte jusqu’à l’essence de Dainichi ! L’univers étant, le big bang, l’expansion correspondant à une expiration… Celui qui l’exécute peut remonter jusqu’à la source de l’unives, qui est Dainichi Nyorai lui-même. Il communie avec lui en se dissolvant dans l’univers entier ! Tous les objets, pour exécuter le rituel, sont à présent métalliques et sont recouverts d’or ; mais on a retrouvé dans la province de Nigata, des instruments forts anciens en bois laqué. Au centre, se trouve le SUIRIN surmonté de ces trois piliers. Au centre l’Akka-fuda (pilier de brocard) entourée des deux Nyumoku (piliers recouverts de soie noire). Le suirin est un cylindre qui comporte une ouverture sur l’avant du couvercle, afin que l’officiant puisse verser de l’eau qui sera prise à l’aide de sorte de longues cuillères dans les deux récipients cylindriques, eux aussi, se trouvant devant le suirin et forme un triangle, les Akka-ki. Entre les Akka-ki se trouve une petite coupelle contenant du riz complet, symbolisant ses propres cendres funéraires (le SHARI-KI). Devant le Shari est posé le sceptre (vajra) à une seule pointe (tokko-sho). Derrière les Akka-ki se trouvent les deux coupes, contenant les huit feuilles d’un arbre, le Sakaki, destinées à servir de sièges de lotus pour appeler et congédier les divinités invitées qui vont venir et apparaître à travers le feu. Tous ces récipients et coupelles reposent sur un couvercle en bois rectangulaire amovible (le danban). A gauche du siège de l’officiant se trouvent une table où sont disposés: L’encensoir à main (égoro), le Ko-katana (ou Shibauchi / shibanagi) qui sert à couper les ficelles liant les bûchettes à brûler, les pinces pour disposer dans le feu (hibachi), les trente-six grandes bûchettes de bois (danboku) qui seront empilées sur quatre étages au dessus du brasero. En commençant par la gauche, on alignera quatre baguettes verticalement, puis horizontalement cinq autres en débutant par le fond. Deux feuilles de Sakkaki seront utilisées pour convier les divinités au banquet et deux petites torches (taïmatsu) pour allumer le bûcher. Six paquets de bûchettes (Suiboku) sont à brûler au cours de la cérémonie à unj moment bien précis, pour un total de cent huit bûchettes, représentant les passions à sublimer. A droite de l’officiant se trouvent les deux Udégoro (ou Hijigoro), sorte de claves cylindriques de trente-six cm de long et trois centimètres de diamètre (représentant le bouddha lui-même); les Ko-uchigi (deux autres claves plus petites posées devant les Udégoro) de quinze centimètres de long et 2,7 de diamètre (représentant le yamabushi qui officie) ; un bâtonnet pour frapper la timbale; le Kasen (Hisen ou Ogi) l’éventail en cyprès pour attiser le feu et porter les paroles de l'officiant jusqu' au Bouddha. Les textes en japonais (Gamon et Hyobyaku) expliquent les buts de la cérémonie. La conque (Horagai) pour souffler en début et à la fin du rituel est largement utilisée. Cette cérémonie dure pour un pratiquant averti environ 45 minutes et aucune seconde n’est oisive !

La cérémonie du feu est un des rituels de « magie opérative » parmi les plus secrets du Shugendo et il arrive parfois que les yamabushi traversent un lit de feu lors d'un processus spécial nommé "Samadhi du feu (Kassyo Zanmai) …

Mais attention : traverser un lit de braises ne fera pas de vous un yamabushi et vous aurez, si vous ne vous êtes pas brûler, tout au plus vaincu certaines craintes et appéhensions…

 

 

 

DIAPORAMA PICASSA DOMdaher