Intro

 

SHÛGENDÔ

Le shugendô est la "Voie de l’Essai par la Formation." C’est la recherche puis l'obtention sur le sentier (dô), grâce à des pratiques ascétiques (shu) de puissances surnaturelles divines (gen).

Le shugendô est l'ensemble des pratiques et règles qu'il convient de suivre pour atteindre ce résultat.

Au XXIème siècle, Shûgendô; est aussi la voie qu'il convient de suivre pour développer ses facultés intrinsèques afin d'accéder à un champ nouveau de conscience!

Les shugenjas (les pratiquants de cette spiritualité ancestrale japonaise) sont plus communément appelés Yamabushi, " ceux qui couchent dans la montagne ", car c'est le plus souvent dans les montagnes qu'ils pratiquent . Ils se retirent en ermites, font des pèlerinages, ou déambulent " errants " à travers le pays comme l'ascète indien Jitsun Milarépa.

 

 

 

Le temple Shogoin à Kyoto, au fond le bâtiment pour la cérémonie du feu : Goma-dô.

 

Cour centrale du temple Shogoin à Kyoto; bâtiments Shinden à gauche et Hondo en face

Très tôt, le shugendô a du se rattacher, aux vues du choix de ses textes doctrinaux,  aux courants bouddhistes des écoles Shingon ou Tendai.

Le Shugendo de l'école Tôzan d'obédience ancienne (Kôgi) du Shingon est toujours rattachée au temple Sanbôin à l'intérieur du grand complexe shingon du Daigoji.

Le shugendo " émancipé " du Tendai (branche Jimon) fondé par l’Archevêque Zôyo fut très tôt indépendant et recut le Shogoin-Monzeki comme temple mère, il y a 900 ans !

De même pour le shugendo du temple Kimpusen (à Yoshino), d'Haguro, d'Hiko, d' Ishizuchi, d' Ontake,... Les yamabushi, prêtres et laïcs, forment des confréries (kôsha) autour des temples qui reçoivent leurs directives des temples-mères. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, la liberté de culte ayant été déclarée sur le territoire nippon, les quatre grandes écoles traditionnelles du shugendo se rassemblèrent en organisations particulières et indépendantes, sauf pour l 'école Tôzan.

La tradition millénaire du Shugen de la Congrégation Honzan du temple impérial Shôgoin à Kyoto

Le temple Shogoin, bâtiment principal : Shinden.

Facade impériale (Monzeki) du bâtiment principal (Shinden) au temple Shogôin où est enchâssé Jimpen DaiBosatsu

Le shugendô eut des fondateurs : " èn l'Ascète " pour les écoles Tôzan Tônan et Honzan de la région des monts Ominé au sud de Nara. Mais ce fut le prince impérial Hachiko-no-ôji (Sôken Dai Bosatsu) pour les monts Haguro au Nord du Japon et le Saint Matsu pour le Sonshan shugen du mont Fuji,...

Ceux qui sont décrits comme les " rénovateurs " de la doctrine du shugen, les moines Enchin, Shôbô et Zôyô assemblèrent véritablement les pratiques et doctrines du shugendô. Au cours des temps, les shugenjas ont donné ce titre de "Fondateur Primordial" à En-no-Ozunu, de la famille Kamo. Une doctrine fut élaborée tardivement, vers le 12ème siècle au Japon. Pendant longtemps les croyances des yamabushi furent un mélange hérité du fond ancien populaire indigène (ou importé de Chine) et de dévotions aux divinités du shintoïsme ancien. Ces croyances, toujours en vigueur au 21ème siècle, conduisent à la confection de talismans et d'amulettes, à l'élaboration de cérémonies qui sont censées contrer les épidémies, éloigner les mauvais esprits, protéger contre les accidents de voiture, faciliter la pérénité des familles... 

Il y a un aspect "discret" du shugendo qui provient des chamans Ouralo-Altaïques. La mise en oeuvre de ces moyens constitue un savoir que se transmettent certains yamabushi. Des pouvoirs " surnaturels " ou divins peuvent être acquis par des rituels " magiques ", des prières à des puissances supérieures ainsi et surtout par la pratique personnelle de l'ascèse.

Le monastère le plus important du shugendo : l’Ominé-sanji au sommet du Mt Sanjo.

Monastère Sanjo

1300 ans de périnité

Dôjô originel du Shugendô

sous la protection de toutes les branches traditionnelles

Des moines bouddhistes ont donné un sens religieux élevé à ses croyances populaires, sans pour cela atteindre leurs objectifs d'annihilation des croyances populaires. Le shugendô a toujours gardé un pied fortement enraciné dans la culture animiste et magique. L'opération de " bouddhisation " des croyances du shugendo fut facile car ces moines appartenaient le plus souvent au bouddhisme ésotérique vajrayana japonais et proposaient eux aussi des buts analogues à ceux des shugenja animistes : écarter des hommes les misères qui les accablent en ce monde et leur procurer les satisfactions terrestres qui les rendent heureux. Toutes fois, ils poursuivaient aussi des buts plus élevés, par exemple la «bouddhisation» d'un être de son vivant même. Au shugendô naissant, ils ont donné leur doctrine. Néanmoins les pratiques du shugendo sont toujours restées "populaires" (près du peuple), facilement compréhensibles par tous, contrairement aux écoles Shingon, Hôsshô, Tendai, Zen, Kégon, Nichiren ou Amidiste. Avec leurs discussions théologiques toutes ces écoles n'eurent jamais le pragmatisme du Shugendo.

"L'ouverture du Shugendo en matière de doctrines et de pratique, est bien illustrée par une remarque adressée par le moine yamabushi itinénérant Noda Hishiero Senkoin à l'époque féodale à un adhérent de la secte Nichiren à la vue étroite et partiale, qui avait reproché au"goriki" (porteur du moine Senkoin) d'avoir voulu fallacieusement faire usage et tirer profit des formules et des textes sacrées de "son" école, en l'occurence du Jyunoze, un illustre passage du sutra du Lotus (Hokke Kyo):

17/10/1817:  .../... De quelle école êtes vous? Je lis que je suis de l'école Shugen-shû! Cette maison-ci appartient à la secte Nichiren, me répond-il. Etre venu en récitant le sutra du lotus, en adoptant les manières de notre école est certainement une escroquerie! me dit-il en me grondannant. Moi je réponds: "Dans le shugendô, où nous discutons le pour et le contre du recours à un seul sutra spécifique, nous nous appuyons sur les textes des 12 écoles bouddhistes toutes ensemble! Dans une famille appartenant à la secte Nichiren, nous récitons le sutra du Lotus; dans le cas de l'école Zen, le mantra de la Grande Compassion (daihiju) et si c'est l'école Shingon, le sutra Rishu-kyo, et pour l'école Jodo, le sutra d'Amida ou le Nembutsu; de quelle école il s'agisse, nous récitons son sutra spécifique. Le Shugendô n'est pas une école d'un esprit aussi étroit que le vôtre, qui se fonde uniquement sur le seul sutra du Lotus! répondis-je, et le maître de céans demeura sans répondre..."

(extrait de l'ouvrage "Pèlerinage aux 9 sommets, carnet de route d'un religieux itinérant dans le Japon du 19ème siècle; Prof A.Rotermund éditions Maisonneuve)

Yamabushi au sommet du Mt Sanjo soufflant dans la conque.

Moine yamabushi jouant de la conque au sommet du Mt Sanjo dans les Mts Omine

Le Shugendo est un creuset dont la place fût importante au Japon. Il a façonné le Japon. Faisant la liaison entre les traditions des chasseurs-cueilleurs nomades, ceux qui vont dans le monde des esprits, et des agriculteurs sédentaires qui ne peuvent y pénétrer, c'est du shugendo qu'est né toute la vision de la culture japonaise de la cérémonie du thé, du théâtre Nô avec les Shugen-Kagura, des arts martiaux. L'ethnologue japonais Kanazawa Sennichi avance même, que se furent les Yamabushi, les ascètes du shugendô, qui sont à l'origine de la création vers le 7ème siècle de ce mode particulier d'appréhension de l'univers qui se situe à mi-chemin entre les êtres et les choses, d'où émergea en particulier l'art nippon : poésie, théâtre Nhô, cérémonie du thé, de l’arrangement floral et de toute la pensée japonaise en général. Une pensée qualifiée de "médiane", une pensée qui s'exprime dans une pratique engageant à la fois le sujet et l'objet. Le Japon du 7ème siècle fut une période de grands bouleversements économiques, culturels, philosophiques et religieux. Les yamabushi, figures centrales du Japon médiéval, nomades, pénétraient les lieux frappés d'interdits, se mouvant entre le " monde de la plaine " (siège du nouveau pouvoir politique et culturel) et le " monde de la montagne " (siège des traditions anciennes), domaines des chasseurs-cueilleurs en opposition avec la riziculture des plaines. La montagne restait la demeure des âmes défuntes, des Dieux et Divinités...

Le sanctuaire Shinto d’Usa dans la presqu’île de Kunisaki, demeure du dieu guerrier Hachiman Daibosatsu.

Kûban devant le sanctuaire d'Usa jinja, presqu'île de Kunisaki, Kyushu, Japon effectuant une kagura pour Hachiman Dai Bosatsu

En-no-gyôja (Jimpen Dai-Bosatsu) le fondateur

Tous les yamabushi se réclament d'En-no-Ozuno, nommé aussi En-no-gyoja, le considèrent comme leur ancêtre spirituel. C'était un ascète, ermite qui vécu au 7ème siècle et s'entendait en magie bouddhique et autres... Cet homme s'appelait En-no-Ozuno de son vrai nom qui signifie En (prononcé èin en japonais, le petit cornu)  car il est né soit-disant avec une pztite "excroissance" au milieu du front. Les "diables " étaient aussi le surnom que les Japonais de l'époque donnaient aux émigrés coréens, et nous savons à présent que la famille Kamo (d'où était issue En)  fût de descendance coréenne. Aussi nommé En-no-Ubasoku (Upayaka En, En-Le-Pratiquant-Laïc), mais plus communément nommé par tous, En l'Ascète, En-no-gyoja. Son nom posthume, donné par l'empereur Kokaku, est Jimpen Dai-bôsatsu , Grand Bodhisattva de Métamorphose Divine. Les premiers documents qui parlent de lui sont le "Shoku Nihongi " et le livre Nihon Ryoki (qui fut écrit entre 810 et 824, soit une quarantaine d'années après). Les premiers livres japonais avec le Konjaku monogatari raconte:

"En-no Ozunu habita les monts Katsuragi   (près de la ville de Wakayama, proche de l'actuel Osaka)   où il convertit des démons et enchaîna un dieu shinto, pratiqua l'ascèse dans les Mts Ominé. Il pouvait s'accrocher à un nuage à 5 couleurs et voler dans les airs. Il employa les esprits démoniaques à construire un pont qui relierait les monts Katsuragi à celui du Kimpusen, distants de plusieurs centaines de kilomètres. Il fut exilé sur la péninsule d'Izu, à la suite des calomnies de son cousin et disciple qui le jalousait. L'empereur essaya de lui faire trancher la tête mais ne put y parvenir, la lame de la hache se brisait à chaque fois. Il est dit, que de sa prison, toutes les nuits, il s'envolait pour pratiquer l'ascèse au sommet du Mt Fuji. Il fut libéré par la suite".

La statue secrète d’En-no-Gyoja dans le monastère du Mt Sanjo.

Statue d'En-no Gyoja, enchâssée dans l'autel pour les cérémonies du feu, au monastère du mont Sanjo;  Entouré des deux disciples, les démons mâle et femelle, Gokki / Zenki.

Il est aussi écrit plus particulièrement dans le Nihon Ryoki, au chapitre 28 : "En-no-Ubasoku était issu de la famille Kamo du village de Chihara (Ouest de l'actuelle ville de Nara où se trouve le temple Kisshosoji) dans le district de Katsuragi de la plaine du Yamato. De naissance, il était omniscient. Il révérait les trois joyaux bouddhiques ;   ce qui était original à l'époque pour une famille de prêtres shintoïstes comme l'étaient les Kamo et les Kusakabe.   Il pratiquait la magie du "sutra de la Reine des Paons  (Kujaku-Myô-kyô). Devenu un esprit lui-même (sien, selon les taoïstes), il pratiquait la doctrine bouddhiste et toutes les nuits, il s'accrochait à un nuage à 5 couleurs, puis volait dans l'espace en compagnie des "hôtes du palais des esprits" (siens). Il se divertissait dans les jardins de Vie Eternelle ; couchait dans les parterres de Zuigai (lotus sauvages). Il aspirait l'air qui le nourrissait. Quant il eut 40 ans, il habita une caverne   (la caverne de Shô)  , se vêtit de lianes et de pousses de bambou, se baigna (suigyo) dans les sources d'eau limpide (l’ascèse sous les cascades), y lavant les souillures du monde du désir. Il pratiquait la magie du sutra de Kujaku et fit preuve d'un pouvoir merveilleux. Il poursuivait les esprits démoniaques, les obligeant à travailler pour lui à la construction d'un pont gigantesque."

Les Yamabushi du temple Shogoin devant la caverne de Shô.

Caverne de Shô, au centre le Rev Tainen Miyagi

Avec toutes les données recueillies ci et là au cours des siècles, on a fini par établir une biographie qui s'est étoffée peu à peu. On y trouve le nom de son père, de sa mère; on lui attribue des disciples au nombre de cinq dont deux démons, la Transmission de la Loi Secrète (Mippô) par le maître indien Nagajurna (Ryuju Bosatsu) dans la grotte du Mt Minô. Les traditions des écoles du shugen ne sont pas d'accord quant à sa fin. Certaines disent qu'il s'est envolé au ciel du mont Tenjogatake; d'autres qu'il a disparu sur la mer et on ne l'aurait revu que plusieurs siècles après en Corée, à la suite d'un voyage officiel du moine Dôkô du temple Kimpusenji du village de Yoshino. Il n'en reste pas moins qu'à partir de deux cents ans après sa disparition, un nombre croissant d'individus au Japon imitèrent son exemple.  Les moines Shôbô et Zôyô, ainsi que les yamabushi itinérants (comme Jitsukaga à l'époque Meiji) continuèrent de le prendre comme modèle. Le 25 janvier 1799, l'empereur Kokaku lui décerne à titre posthume le patronyme de Jimpen Dai Bosatsu (Grand Bodhisattva de Transformation métamorphique Divine) ! Ce document est toujours visible au temple Shogoin à Kyoto.

En-no-gyoja et le monde du Shugendo, affiche pour l’exposition pour la commémoration du 1300ème anniversaire de sa mort.

"En-no-Gyoja to Shûgendô no sekkai"
Livre de l'Exposition en 2000 sur le "monde du Shugendo et d'En-no gyoja"

Le dieu du shugendo Zaô-gongen (l'avatar Zaô)

Parmi toutes les divinités shinto du sol, des cours d'eau, des montagnes, c'est ZAO-gongen qui apparut à En-no-gyoja et qui détrôna toutes les anciennes divinités animistes. Zao-Gongen  est la divinité par excellence du shugendô. En Inde, il est vénéré sous la forme de Vajragarbha. Dans l'Avatamsaka sutra (Kegon-kyô), c'est une divinité bienveillante qui explique les dix étapes de la carrière d'un bodhisattva. On ne peut le considérer comme une figure de premier ordre du bouddhisme ésotérique . Il est au Japon, depuis l'époque Kamakura, l'objet d'une grande dévotion particulière  pour lequel une chapelle grandiose lui est élevée, qui deviendra la seconde plus grande construction en bois, après le grand Bouddha de Nara, le Daibutsuden. La chapelle de Zaô-gongen, ZAO-DO du temple Kimpusenji dans le village de Yoshino, avec ses  trois grandes statues de Zaô, en bois de cerisier qui font  chacune plus de 7 mètres de haut. Dès l'époque Kamakura, l'école Shingon, fait figurer Kongo Zaô dans le mandala. Il faudra attendre le milieu du  XIème siècle pour voir En-no-gyoja aux côtés de Zao-gongen dans le Konjaku monogatari et s'apercevoir au XI ème siècle de la vénération grandissante chez tous les yamabushi..

L’avatar/dieu Zao-gongen du temple Kimpusenji du village de Yoshino.

L'avatar Zao-Gongen de la chapelle ZAODÔ à Yoshino

Au XIVème siècle dans un ouvrage nommé Taihei, au chapitre 26 " Yoshino dans les flammes ", il est écrit :

" Quant à Zaô-gongen, voici jadis, En-no-gyoja fit une retraite de 1000 jours sur le sommet du Mt Kimpusen pour aider au salut universel. Il pria fortement jusqu'a l'apparition  d'un bodhisattva sous une forme vivante. Kongo Zaô  avait les traits de la déesse de la danse Benzaiten. Elle fut projetée sur le sommet du Mt Miesen et devint sa gardienne. Plus tard Zaô réapparut sous l'aspect du bodhisattva Ai Kongo et Jizo Bosatsu. L'ascète lui fit baisser la tête en lui disant : " Si tu veux sauver les êtres des mondes futurs, un air tel que celui-ci ne convient pas ! " Et il projeta à nouveau le tendre et mignon Zaô, d'où le temple plus bas que Yoshino dédié à Nage-Jizo (le " Jizo projetté "). Kongo-Zao, vexé et furieux s'envola cette fois pour le sommet du mont Daisen de la province du Hôki, d'où il revint plus tard complètement transformé. Il se montrait désormais sous l'apparence d'un être fort et furieux, tenant dans la main droite le vajra à 3 pointes, la gauche faisant la mudra du sabre, les coudes relevés près à frapper, le regard fixe chargé de colère . Il semble subjuguer les démons qui font obstacles au Dharma, ses cheveux sont dressés, ses pieds sont levés comme pour frapper le sol en déployant toutes les vertus du ciel et de la terre. "

En-no-gyoja lui éleva une chapelle, qui devint un temple magnifique Remarquons que si le Taihei donne à Zaô son nom et son titre bouddhique (Kongo-zaô), c'est son avatar (gongen) qui est retenu par En-no-gyoja : Zaô-gongen Le Courroucé !Nous voyons dans cet exemple s'accomplir la métamorphose classique dans la doctrine des avatars de la doctrine Ryôbu-shinto de l'ésotérisme Shingon, ou du Sanno-ichijutsu shinto de l'ésotérisme Tendai qui s'exprime par la formule :  "Honji Suijaku,"  (le cops originel laisse descendre sur ses traces) ; autrement dit, un personnage bouddhique apparaît sous les formes d'une divinité shinto. C'est aussi la doctrine bouddhiste nouvelle alors au Japon, qui tente de phagocyter les anciens dieux du shintoisme. Le dieu-gardien (Kami du sol) du mont Kimpusen, laisse sa place à Zaô-gongen !

Comme il n'avait rien de menaçant en tant que bodhisattva, " l'ésotérisme mélangé " (zômitsu) le transforme en un avatar courroucé et l'intègre à son panthéon. Il devient terrifiant ! L'ésotérisme du shugendô l'appelle tantôt  Himitsu Kongo (diamant secret), Tokkô Kongo (Foudre qui donne un enseignement spécial) ou encore Rigen Kongo (diamant qui fait régner le Pouvoir surnaturel). C'est le Foudre-Diamant qui secoue les êtres de leur apathie ; apathie qui les rend difficile à instruire. Le shugendô est allé plus loin que dans les " écritures bouddhiques classiques " où Zaô n'est qu'un auxiliaire du Bouddha Shakyamuni. Il le met sur un pied d'égalité avec Shakyamuni. Zaô-gongen devient le Bouddha des 3 temps où son action s'exerce aussi bien sur le passé, présent et le futur. Dans l'ouvrage Dôken Shônin Meido-ki (le Livre de notes sur le monde obscur du Saint homme Dôken , moine yamabushi du milieu du Xème siècle qui devint Grand Archevêque du temple Kimpusenji sous le nom de Nichizô Shonin, Zaô-gongen dit :

" Je suis un avatar de Shakyamuni, le bodhisattva Zaô. "

La carte ancienne du village de Yoshino avec l’apparition du dieu Zao-gongen

Peinture période Edo
Zaogongen  et le village de Yoshino

Dans une "supplique" (gamon)  écrite dans un rouleau à sutra enterré par le noble Fujiwara-no-Michinaga (960-1027), Fujiwara lance cette exhortation :

" Dites à pleine voix, Adoration au fondateur Saka Zaô-gongen. Jadis, il était sur le sommet du Pic du Vautour, son nom était Muni (le Silencieux), aujourd'hui il est sur le sommet du Mt Kimpusen pour sauver les êtres, c'est Zaô. "

Fujiwara no Moromichi écrivit cette autre supplique en 1088 à l'occasion d'un pèlerinage au Mt Kimpusen (Mt Sanjo) :

"La protection de Zaô n'est pas douteuse ! ".

On attribue à Zaô-gongen un pouvoir surnaturel et les yamabushi, à la recherche d'un pareil pouvoir pour eux-mêmes, sollicitaient sa bienveillance et l'octroi de cette puissance merveilleuse. Le Kimpusen à Yoshino (mont de la cloche d'or du village de Yoshino) était une montagne aurifère exploitée depuis longtemps par les yamabushi (comme les monts de Koya san et de Hieizan,) et les yamabushi étaient  considérés dans les doctrines Shingon et Tendai comme les " Gardiens-Dieux du Sol ".

Peu à peu, on oublia le dieu du sol qui gardait l'or du Kimpusen. Zaô le remplaça et on dit qu'il veille à présent sur cet or jusqu'à l'arrivé sur terre du prochain Bouddha : le bodhisattva Miroku (Maitreya).

 

Le panthéon du Shugendô
et plus particulièrement le culte du Vidyaraja Acalanantha/Acala (Fudo-Myô)

La doctrine du shugendo, si elle ressemble pour un néophyte à la doctrine du bouddhisme ésotérique, n'en est pas moins fortement éloignée, à cause de ses rites taoïstes et de ses cultes pour les différents avatars (gongen) qui peuplent son panthéon au premier plan, contrairement aux autres écoles du bouddhisme japonais traditionnel. Sa doctrine est " cosmothèiste ", tolérante et ouverte à tous les sutras. Tout en reposant sur le principe d'un Bouddha suprême, Dainichi Nyorai qui est chaque partie de l'univers, dont tous les êtres: les Bouddhas primordiaux, Bodhisattvas, dieux, êtres humains, animaux, végétaux, minéraux, esprits et démons sont les manifestations. De là un panthéon considérable comprenant non seulement les bouddhas des premiers ouvrages canoniques, mais aussi celui de l'Inde brahmanique pré-bouddhiste, de l'ésotérisme vajrayana et celle des cultures indigènes animistes, comme le shintoïsme et taoïsme. Chacune de ces divinités reçoit un culte, des prières et offrandes car détentrices d'un pouvoir particulier dans certains domaines. C'est un polythéisme à caractère cosmique pour les yeux des profanes. Certains enseignements bouddhiques véhiculés par des divinités qui peuvent paraître subalternes dans le bouddhisme  du mikkyo et passant donc au second plan, vont dans le shugendô apparaître au premier plan.

C'est ainsi que le culte des cinq Roi de Science dont le personnage central est le "Porteur de Lumière, le Courroucé Fudo Myô (Vidyajaya Acalanantha/Acala), est de prime importance dans le Shugendô! Son culte est le plus sollicité au Japon depuis le moine Sôbô, fondateur de L'école du Shugen Tôzan, qui avait étudié l'ésotérisme bouddhique des courants vajrayana du sud et du nord avec le neveu du Maître Kukai, l'Archevêque Shinga.

Le Grand Bouddha/dieu vénéré par tous les yamabushi : Fudo Myô

Effigie/amullette votive de Fudo Myoo

Le culte des Cinq Rois de Science remonte au bouddhisme tantrique. Ces derniers font partie,  depuis l'Inde, des Porteurs de Lumière (Vidyaraja). L'iconographie les représente avec un aspect terrifiant, presque "démoniaque" pour des occidentaux non avertis ! Mais leur apparence n'est en réalité que pour effrayer les démons en nous,  et détruire les passions ainsi que l'ignorance. On en dénombre jusqu'à trentre trois.  Ce chiffre est un chiffre porte-bonheur dans le shugendô. Les plus célèbre forment un groupe de cinq dont Fudô Myô est le chef au centre. A l'Est trône Gozanze Yasha Myô, à l'Ouest se trouve Daitoku Yasha Myô, au Nord est Gundari Yasha Myô, au Sud Kongo Yasha Myô. Dainichi Daishô Fudo Myô est représenté le plus souvent assis sur une dalle en pierre ou debout à l'arrêt, poids du corps sur la jambe arrière, sa peau est d'un bleu foncé couleur de l'espace insondable. Il est enveloppé des flammes de la Sagesse Transcendante. Il brandit dans sa main droite le glaive à double tranchant de la Sapience (Riken ou Hôken)  et dans la main gauche, le Kensaku (paça en sanskrit), une corde lestée (sorte de lasso) qui permet de ramener dans le droit chemin les personnes égarées. Ses yeux regardent en haut et en bas., dans les cieux et les enfers... Il porte une natte sur l'épaule gauche. Il  serre les dents en se mordant la lèvre supérieure. Ses sourcils se froncent. Au cours de cérémonies qui lui sont dédiées, on honore aussi ses huit grands serviteurs, mais également les dragons qui sont ses métamorphoses.

Le dieu des énergies passionnelles : Aizen Myô

Aizen Myoo
Le symbolisme de l'Energie des désirs sublimés comme moyens de parvenir à l'Eveil

2 sutras lui sont dédiés : un court, le Shô Fudo kyô et un plus long : le Shômudô-son Dai Hi-nû darani Himitsu-kyô dont le sens est secret.

Le bouddha Fudo Myô dans la nébuleuse du crabe.

FUDO MYOO

Oyamdera Daisenji temple

A part Zaô-gongen et Fudo, Amida Nyorai, Dainichi Nyorai, Mirokou Butsu, Kannon, le shugendô vénère d'autres divinités,de second plan pour l'ésotérisme Shingon ou Tendai, tels que Izuna Dai Gongen (un tengu zoomorphe), Sampo-Kojin (un destructeur à trois têtes) ou Kimon Dai Myô Jin (celui qui garde la porte des démons), Hachi Dai Ryû Hô (8 grands Roi Dragons), les Tengu (gobelins ailés) et Oni (ogre, ogresse et démons bénéfiques),... Les kami sont très priés, mais celui qui ayant accédé au rang divin le plus vénéré par les yamabushi, au point d'avoir conçu une ode spéciale, reste tout de même Jimpen Dai Bosatsu, autre nom du fondateur En-no-Gyoja, sanctifié et devenu ensuite un véritable Saint depuis l'époque Edo.
L'endroit le plus vénéré reste la montagne . C'est un lieu magique parce que ce sont des volcans au Japon.  L'athanor des alchimistes plutoniens. Le shintoisme révère les montagnes comme il révère les rivières, les sources, les arbres, le sol. La montagne est le lieu de méditation, d'ascèses pour les bouddhistes en général. Pour les yamabushi, elle devient plus qu'un endroit privilégié : Elle est le retour à la Matrice Originelle, l'autre monde d'où l'on vient et où l'on repart. La montagne est le creuset de l'alchimie taoïste pour les Immortels chinois "Siens". La montagne est vénérée comme le mandala naturel où le Bouddha suprême prêche en permanence le Dharma.

Sylvain exécutant une cérémonie du feu dans le temple Shogoin pour l’équipe nationale française de Kendo lors des championnats du monde en 1996.

1996 Temple Shôgôin, Kûban effectuant la cérémonie du feu pour l'équipe nationale française de Kendo lors des championnats du monde à Kyoto.. A gauche, on aperçoit Tran en survêtement de l'équipe de France...

La Doctrine du Shugendô

Le Shugendô ne s'appuie pas uniquement que sur des écritures canoniques particulières comme  le sutra du Lotus pour l'école Tendai (Hôke-kyo), la Sapience Pénétrante du Sutra du Diamant (Rishu-e kyo) pour l'école Shingon, l'Avatamkasa sutra (le sutra de la guirlande de fleurs) pour l'école Kegon, les trois sutras du Bouddha d'Amida pour l'école Jodo et pour le Zen, les écrits des moines Dogen pour l'école Soto.

Les textes du shugendô appartiennent aux écoles des différents maîtres du Shugen. Les maîtres successifs furent issus de toutes les écoles et il est normal de retrouver à la fois des textes du Zen, de l'Amidisme, de l'ésotérisme Shingon et Tendai revus et corrigés sous l'angle de vue des ascètes du Shugen. Comme ces derniers côtoyaient les Saints hommes itinérants des confréries de Matsu-hijiri ou des Koya-hijiri de l'école Amidiste du Nembutsu établies près des centres du shugendo des villes de Kumano et Nachi, au sud de la péninsule de Kii, centres shugen jusqu'à l'époque Meiji;  les pratiques des uns et des autres se mêlèrent.

En Occident, on a une tendance hâtive à ranger l'école Tôzan-shugen, du côté de l'école Shingon dont les sutras principaux sont ceux de la Sagesse Pénétrante (Rishué kyo) et du Diamant ( Kongochokyo), pour pouvoir l'opposer ensuite à l'école Honzan dont le sutra fondamental est le sutra du Lotus (Hokke kyo).

Pour avoir étudié toutes les doctrines et rites des quatre grandes écoles majeures du shugendô, je puis affirmer que cette classification hâtive est erronée. Le Shugen est shugen; ni Shingon, ni Tendai , ni Zen ou autres. Pour preuve, bon nombre de maîtres du Shogoin ont étudié à la fois à Hieizan les doctrines Tendai et Amidiste et sont montés jusqu'à Koya san pour étudier la doctrine Shingon. D'autres maitres du passé n'ont pas hésité à aller jusqu'au monastère Soto-Zen Hiei-ji pour avoir une formation.

De surcroît, il y a une différence de connaissances entre les prêtres yamabushi (qui ont toujours eu une culture religieuse) et les yamabushi laïcs qui ont souvent fait fi des textes liturgiques et doctrinaux.

Rite du feu à l’extérieur par les yamabushi du Mt Haguro.

Haguro shugen, rites durant Nyubu shugyo

Il existe des recueils de textes à l'usage du shugendo. Une commission du Nihon Daizôkyo (canon bouddhique japonais) a rédigé, de 1916 à 1919, lors de son travail,  trois volumes (N° 17, 37 et 38) regroupant les rituels et textes doctrinaux des principales écoles du Shugendô. A ces volumes viennent s'adjoindre le "Shugen-Seiten" et "Shugen-Shôten" composés aux temples-mères Sanbôin et Shôgoin.

En 1986, le professeur Miyake Hitoshi rédige le premier dictionnaire du Shugendô en japonais, Shugendô Daijiten. La compilation de textes du Shugen-seiten reprend les textes de l'Archevêque Rigen (le Grand Maître du bouddhisme Shingon, le moine Shôbô) fondateur rénovateur de l'école Tôzan-shugen du temple Sanboin à l'époque Nambokucho, fondée par l'empereur Godaigo : les sutras du Konchokyo et Dainichikyo, mais il rajoute un sutra du Kegonkyo consacré au Bodhisattva Fugen et un texte particulier consacré à En-no-gyoja : l'Ubasoku-Kaikyo. Il en va de même pour le Shugen-shôten qui compile en des règles en vigueur dans les écoles Honzan et Tôzan, celles qui existaient concernant le Shugen du Mt Hiko dans l'île du Kyushu.

On peut résumer succinctement la Doctrine du Shugen : " Il existe un Bouddha cosmique, Vairocana (Dainichi), qui emplit tout l'univers, qui est chaque chose de l'univers, dans le domaine des choses matérielles comme celui de l'esprit. " Tout ce qui est ", est l'actualisation du Bouddha Vairocana.. Notre Nature n'est en rien différent de celle du Bouddha... C'est seulement parce qu'elle est obnubilée par nos que nous la perdons de vue. "

Le Grand Archevêque Miyagé Tainen exécutant une cérémonie du feu devant le monastère du Mt Sanjo pendant le pèlerinage annuel.

Archevêque Tainen Miyagi (Ojuku 1985) effectuant le rite du feu à l'extérieur devant le monastère du Mt Sanjo dans les monts Omine...

Le livre du moyen âge « Shugen sanju-san tsuki » empruntes des passages aux livres du maître Kukai (Juju-shin-ron et Sokushin-jôbutsu-gi, règles et obtention de l'état de Bouddha durant cette vie) pour exprimer sa doctrine à propos du Substantiel du Bouddha Dainichi (Vairocana): Ce substantiel est formé de 6 éléments, la terre, CHI  (le cube), l'eau SUI (la sphère), le feu KA (la pyramide), l'air FU (le croissant), l'espace KU (goutte) et l'énergie ÛN (l'extrémité de cette goutte). A ces 6 éléments correspondent des couleurs : vert, bleu, jaune, rouge et la somme de toutes correspondant au blanc, ainsi que l'abscence de couleurs qui correspond au noir...
Quel est l'aspect du Bouddha Dainichi Nyorai? Certes le Shugendo, comme l'ésotérisme reconnaît les quatre grands types de mandala : 1) Le Dai Mandara (Grand mandala) où sont représentés tous les Vénérés 2) Le Sanmaya-mandara (ou mandala dit de Convention) représentant les moyens qu'ils choisissent : Ce mandala est construit avec la représentation des attributs de chacun (arc, joyaux, glaive, flèches, sûtra,...). 3) Le Hô-mandara (le mandala de la loi du Dharma) ou Bonji-mandara (bija mandala fait de lettres-germes sanscrites) qui est censé représenter " l'esprit vrai " qui anime chaque Vénéré. C'est un mandala où les Vénérés sont représentés sous forme de lettres germes sanscrites comme A ou Kan,... 4) le Gô-mandara (Katsuma mandala) représente les actions de chaque Vénéré, immobile ou marchant, tirant le glaive, ou bandant son arc,...

Sylvain marchant dans les flammes lors de la cérémonie du dieu du feu Akibasan du monastère Zempukuji de la ville de Nagoya.

Yamabushi Kûban traversant pieds nus un lit de flammes (Kassyo zanmai) au temple Entsuji à Nagoya le 16 décembre 1997 lors de la cérémonie pour la fête d'Akibasan...

Mais le shugendô accorde une importance primordiale au " Corps non humain " en trois dimensions du Bouddha Dainichi Daishô Fudo (Fudô le Précieux Saint issu du bouddha suprême Dainichi) : la montagne (Ritai mandara) et il affirme que comprendre le sens des paroles du vent dans les arbres, c'est comprendre le véritable message du Bouddha, le pourquoi de la marche des nuages, du bruit de la pluie qui tombe, du sens des rivières, que tout ceci est le véritable Substantiel de Dainichi !

Le shugendô, comme l'ésotérisme bouddhique, prône le Triyuga (triple mystère) ou Sanmitsu-yoga : unité entre la parole (mantra), le geste (mudra, action) et la pensée (mandala). Comme Kukai, le shugendô affirme : si nous pratiquons les trois mystères, la bénédiction divine (kaji) rapidement apparaît car ces trois mystères sont égaux entre eux !

C'est dans sa façon de pratiquer, que le shugendô singularise car il plonge le pratiquant par l'ascèse au cœur du mandala et il lui dit que "pour atteindre l'état de Bouddha, il faut se débarrasser des passions" et ce n'est pas chose facile que de les transmuter, d'où les ascèses. L'individu étant déjà un Bouddha qui s'ignore car des voiles impurs lui masquent la vue. C'est dans son cheminement initiatique à travers la montagne par l'ascèse que le Shugendô prend toute sa grandeur et sa note écologique, en harmonie avec une Nature retrouvée !

L'égalité d'une Réalité Unique est une qualité de l'Absolu.

 

Dans le bouddhisme ésotérique, on appelle l'expression du principe absolu qui réside au fond de chaque chose, qui n'a jamais changé, ni ne changera jamais, ce principe immuable est nommé shinnyo (Ainsité, ce qui est ainsi).

 

2013 France Aki-no-mine Tojime shiki

 

Dans le livre ancien Shugen-shuyô-Hiketsu-shû (Clefs secrètes des pratiques du Shugen), le  moine yamabushi Shokuden (1509-1558) écrit : " Le propre Corps des pratiquants est le Susbantiel de l'éveil des 3 corps non-créé du Bouddha Dainichi (nirmayakana-sambhogakaya-dharmakaya); leur propre esprit est l'attestation intérieure du Plan d'Essences (Kongokai mandala) Aussi notre Formel (représenté par le Taizokai mandala) et notre Esprit (représenté par le Kongokai mandala) sont depuis l'origine le Substantiel du Bouddha Dainichi. De sorte que lorsque la pensée de la réalisation de l'état de Bouddha (de notre corps actuel) est bien ancrée suffisamment dans notre esprit, ce qui est mauvais disparaît pour laisser la place à ce qui est bon. Ayant en esprit, uniquement la déchéance des êtres, il leurs transférera ses mérites accumulés par ses pratiques. Les pratiquants vont au devant des êtres vivants, et les Bouddhas vont au devant des pratiquants. Il en résulte qu'entre les esprits des êtres vivants, des pratiquants et des Bouddhas, il n'y a pas de différence. Ces êtres vivants, qui sont des Bouddhas en puissance, sont déjà des Bouddhas depuis l'origine. La caractéristique des 3 classes de catégories de Bouddhas (vajra, padma et ratna) est qu'il ne diffère pas dans leur réalisation de l'Eveil Profond. Et quand on connaît son esprit, on connaît celui de tous les Bouddhas. Les Bouddhas ont la compréhension supérieure de tout cela ; ils demeurent dans la " Cité de l'Esprit Originel ". Les êtres vivants se trompent au sujet de l'Absolu ; ils errent dans les plaines incultes remplies d'illusions où mènent les 4 possibilités de renaissances inférieures (démons, âmes damnées, guerriers morts au combat, animaux). Les 3 mondes (passé, présent et futur) ne sont que dans l'esprit. Tous les Dharma sont simples Connaissances. Connaître l'Egalité d'esprit des 3 classes de Bouddha s'appelle le Grand Eveil. Voilà le point essentiel du shugen, c'est la grande idée de sa doctrine. "

2003, Sylvain en France, soufflant dans la conque en direction des Etats-Unis sur la côte Atlantique.

 

Kûban devant l'embouchure de la Gironde... Charente-martitime France; Meshers 2003

De même que le bouddhisme tantrique japonais, le shugendô répète :

  • Sokujin jôbutsu : accès immédiat à l'état de Bouddha dans cette vie, avec ce corps.
  • Sokushin sokubutsu : identité entre notre corps et celui du Bouddha.
  • Sokushin zebutsu : Notre corps est de même nature que celui du Bouddha.

Trois niveaux de " boudhhisation " sont définis :

  • Rigu jôbutsu : Boudhisation en puissance
  • Kaji jôbutsu :  Boudhisation temporaire par bénédiction
  • Kentoku jôbutsu : Boudhisation définitive.

L'accession immédiate à l’état de Bouddha est considérée comme l'Eveil Initial. Par contre, l'identité du Moi et du Bouddha est l'Eveil Originel nommé : Hongaku. L'éveil initial n'est pas différent de l'éveil originel.

Si le shugendô, comme l'ésotérisme bouddhique, reprend la maxime du moine Kukai : " Bonnô soku Bodai " (les passions sont génératrices de l'état d'éveil ou, les passions sont identiques à l'éveil), par contre le shugendo est plus pragmatique dans les moyens employés pour en montrer les portes d'accès à ses pratiquants, plus que ne le sont les doctrines bouddhiques de l'ésotérisme Shingon ou Tendai...

L'état d'éveil du Shugen, c'est l'état d'esprit du Bouddha Gotama sous l'arbre d'éveil, alors qu'il a réalisé l'Illumination mais n'a pas encore ouvert la bouche pour dire le premier mot ; avant qu'il ne prêche le Dharma (enseignement bouddhique) sous la pression du dieu Brâma. Sakamuni Bouddha (Gotama l'Ascète) est resté environ une semaine entière dans cette extase sous le figuier. Cette compréhension de l'univers dans son ensemble se nomme Shugen !

L'ouvrage nippon shugen shuyo hiketsu-shu dit à ce propos.

" La thèse du Shugen, c'est la doctrine des trois Mystères (Sanmitsu) non caractérisés ; c'est le merveilleux principe de l'Ainsité qui règnent dans les 10 plans (enfers, esprits faméliques, titans, animaux, humains, dieux, Rakkan ((Rakkan en jp, ou Araht en scrt), Bouddha-pour-soi (Engaku ou Pratekya Bouddha), Bodhisattvas et Bouddhas). Si l'on s'enquiert de leur apparence, c'est le Substantiel direct, complet dès l'origine, des 2 sections ésotériques (kongokai et taizokai). Si l'on s'enquiert de leur principe suprème, c'est le secret du discernement immédiat de la réalisation de la bouddhisation de son propre corps. Son Substantiel étant partout dans l'espace n'a ni forme ni poids. Sa connaissance emplit le Plan des Essences, on ne peut en voir les limites. En vérité ceci est le principe vrai, qui ne fût pas transmis par le Bouddha ou un fondateur d'écoles. La transmission d'esprit à esprit est à sa base ; il n'y a pas lieu d'en connaître l'intention, pas lieu d'en parler ".

Sylvain et un yamabushi d’Haguro soufflant des mélodies secrètes avant de grimper le Mt Gassan.

Kûban à gauche soufflant dans la conque lors des pratiques avec l'école Haguro 1994...

Dans un passage du livre " Shugen sanjusan tsuki ", il est écrit.

" Toutes les écoles s'appuient sur les écritures (textes canoniques); sur quelles écritures s'appuient le Shugen ? (Sur toutes répondra un yamabushi moderne !). Le sutra de la Voie du Shugen est le sutra éternel et naturel (celui inscrit dans la montagne et ses phénomènes). C'est le mandala de la Loi que tous les Bouddha ont déjà attesté ; il ne connaît pas la soie jaune claire (sous-entendu pour la couleur de la toge des moines ; ce qui veut dire que le Véritable Dharma est au-delà du Bouddhisme), on ne l'a pas noté avec des pinceaux et de l'encre (il est au delà des écritures canoniques des disciples et des maîtres). Le chant du vent dans les cimes, le rugissement des vagues qui battent les rochers, les bruits de la nature.: tout cela, ce sont les voix brahmaniques qui expliquent la Nature des Dharmas. Sans qu'une seule voix humaine ne s'élève, la Parole va partout dans le Plan des Essences. Voir, écouter et comprendre, c'est obéir à la Loi avec les 6 organes des sens. Mettre son esprit dans l'état où il était du temps où le Bouddha n'avait pas encore prêché la Loi, voilà l'objet du Shugen. Pourquoi s'appuyer sur les Ecritures des Maîtres ? Avant l'Eveil Originel, comment l'Esprit du Bouddha gardait-il l'enseignement des sutras ? Le Shugen ne s'appuie pas sur elles ! Le Shugen c'est l'Esprit du Bouddha. Même s'ils ne connaissent pas les Ecritures, les hommes qui connaissent la Source de l'esprit possèdent l'Eveil Originel. Le principe du Shugen, n'est pas emprunté aux enseignements bouddhiques ; il n'est pas établi avec des mots ; il se transmet d'esprit à esprit. Les explications des Maîtres s'appuient sur des textes, mais ce n'est pas ainsi que la Voie du Shugen est faite. "

Pour tourner autour de la roche de l'égalité : Essai de la</p />
</p><p> faire le tour en varape pendant le pélerinage d'Omine

1989 Byobu-iwa, en descendant sur l'ermitage de Zenki ; le test consiste après 10 heures de marche d'en faire le tour en varappe: ATTENTION 50m de vide derrère...

" Si l'on apprenait des Ecritures (textes canoniques bouddhistes) aussi nombreuses que des milliards de grains de sable du Gange, si l'on ne connaît pas l'origine de la nature propre de l'esprit, il ne sert à rien de faire des exercices. "

Mais reconnaître simplement l'origine de la nature de son esprit, sans l'attester ensuite, n'est pas suffisant sur le sentier de la réalisation. Il faut d'abord dans un premier temps commencer par étudier les rites et textes de bases du canon bouddhiques ,avant de vouloir accéder à la Vacuité!

Funeral ceremony by Shogoin Yamabushi

céremonie lecture des sûtras

      Ordination in Shogoin Temple

Cérémonie d'ordination par le Gomonshu Kaku, temple Shogoin 1990

   Seminar Training in Shogoin  

Cours pour le "yamabushi mondo" au temple Shogoin 

  Masters of Shogoin Temple

Session pour les principaux Abbés de la province du Kansai de la congrégation Honzan Shugen, au temple Kizoin de Yoshino 1990