Tout au long de sa vie spirituelle, le yamabushi laïc ou religieux reçoit des initiations qui sont quelques fois comparables à de véritables sacrements de Rois.
L'onction (Kanjo) est une cérémonie de première importance dans le bouddhisme vajrayana japonais qui sacre les rois de la Loi. Le bouddhisme montagnard du Shugendô en comporte en autant que les Bouddhismes Shingon et Tendai. Le maître Zémui (Cubhakarashimba) le maître indien du maître chinois du moine Kukai) s'exprime ainsi dans son Grand Commentaire : " Si l'on ne reçoit pas les onctions, on ne peut comprendre les paroles authentiques (mantra), les sceaux de mains (mudra)... . Par exemple, de même que pour les rois régnant sur des pays en ce monde, on procède à l'onction de l'héritier de manière à assurer la lignée...de même que pour la lignée des fils de Bouddha ne soit pas coupée, on verse sur leur tête le nectar de l'Eau sacrée de la Loi des 5 Océans de Sagesses. C'est un moyen salvifique que cette règle qui est à l'image des règles mondaines. Elle est vénérée pour la foule des Saints (Bodhisattva) et ceux qui la reçoivent ne reculent plus devant L'Eveil Sans-Supérieur. Infailliblement, ils perpétuent la dignité qui est celle d'un Roi de la Loi ".
1990, temple impérial Shôgoin, Gomonshu Kaku effectuant la cérémonie de prise de refuge pour les laîcs, et d'ordination pour les religieux...
Il y a plusieurs types d'onctions; celle dont il est question dans ce commentaire de Zémui est l'Onction dite de Liens Salvifiques (Kéchien kanjo) qui est toujours donnée à la grande pagode de Koya san dans l'école du bouddhisme Shingon (donc du Shugen du temple Daigo). La première partie, celle du mandala du Taizokai, est transmise au printemps. La seconde partie, celle du Kongokai mandala est transmise à l'automne. Même les laïcs sont à présent admis à la recevoir. Cette onction entre dans la grande famille des onctions qui suppose le choix d'un lieu, la construction d'un autel, un rite avec des mudra et mantra .Les onctions par faits et par actes (Jigyô kanjo) dans laquelle l'onction aux Sceaux (mudra) proprement dite est nommée Impô Kanjo. Dans le groupe des onctions où la construction d'un autel est nécessaire, il y a indubitablement celle qui sacre un maître de l'ésotérisme bouddhique, l'onction dite de transmission de la Loi : Dempô Kanjo. Cela dépend des écoles ; elle est octroyée à la fin du noviciat dans l'école Shingon, après les 100 jours d'ascèses primordiales de bases des 4 voies : Shidô-kegyo qui a lieu au bout des 2 années de noviciat. C'est beaucoup plus tard dans le Tendai, au bout de dizaines d'années, jugeant qu'il faut de nombreuses années d'études et de pratiques sérieuses pour faire un maître de l'ésotérisme bouddhique surtout dans la branche du maître Enchin, celui qui donna à l'école Tendai toutes ses lettres de noblesse concernant l'ésotérisme. Et encore plus tard dans le shugen du temple Shôgôin.
Toujours dans ce même groupe d'onction, le shugendô a ses propres onctions hormis la Dempô Kanjô qui n'est donnée qu'aux évêques. 2 onctions majeures sont données à tous les shugenjas qui en ont le niveau : katsuragi Kanjo dans les monts Katsuragi, tous les 10 ans et Jinsen Kanjo tous les 20 ans dans les monts Omine. Jinsen kanjô se divise en 2 groupes : ceux qui reçoivent la simple onction et ceux, plus rares, qui ont la possibilité de recevoir la double onction dite Précieuse de l'ermitage Jinsen : Jinsen Shô Kanjo. A l'époque féodale, cette onction avait toujours lieu à la fin du pèlerinage de l'été dans les monts Ominé. Depuis Meiji, elle n'a lieu que tous les 20 ans car la somme de matériel, à emporter en pleine montagne, est colossale. L'ermitage de Jinsen se trouve en contre-bas du Mt de Sakka, dans les monts Ominé. C'est là qu'En-no-gyoja donna le sacrement royal des fils de la Loi Secrète à ses 5 disciples. La dernière onction Jinsen Kanjo qui eut lieu au XXème siècle et se déroula comme d'habitude à l'ermitage de Zenki (contre-bas de celui de Jinsen à 4 heures de marche, à l'écart des regards des touristes ou randonneurs éventuels. Au mois de septembre 1999, j'y étais parmi 200 autres yamabushi laïcs et religieux. Les détails de la cérémonie de l'onction correcte Shô kanjo, dans le shugendô (transfert du Bouddha Dainichi Nyorai dans le corps de celui qui est oint) sont différents en fonction des écoles de Shugendô. Mais chaque yamabushi est à même de reconnaître dans quelle tradition ce shugenja reçoit l'onction correcte car il y a des codes secrets de reconnaissance, comme dans toutes sociétés initiatiques !
1996 Kûban durant l'ascèse de la marche de 100 jours dans les monts Omine (arrivée au monastère du Mt Sanjo)
le sanctuaire de Kimpu à Yoshino (architecture GONGEN -ZUKURI typique du shugen)
Dans tout l'ésotérisme, qu'il soit bouddhique ou Shugen, Il existe une qualité d'onction encore plus rare que Jinsen Kanjo. C'est l'Onction par le Cœur (Esprit) : isshin Kanjo, qui peut s'accomplir n'importe mais sans tout le matériel exigé par la Jigyô Kanjo. L'onction par le cœur, c'est par exemple : Enno-gyoja et sa rencontre avec le Maître Nagajurna dans la grotte du Mt Minô, celle du Maître Nichizô et de Jimpen Dai Bosatsu dans la caverne de Shô; ou encore celle du Maître Nagajurna et du Bouddha Vajrasattva dans le Palais du Stupa de fer. C'est une initiation qui se situe en dehors de l'espace et du temps, en un lieu que seul les Bouddhas connaissent et à la suite de périodes ascétiques intenses pour le pratiquant. Plus importante qu'une simple initiation rituelle, l'onction rend possible un approfondissement des liens étroits qui unissent le disciple au maître de la lignée.
Shûgendô by Ryûrui wizzard calligrapher
caracrères "style Bronze" datant de plus de 3.000 ans
Les pèlerinages en groupe en montagne
(Miné-iri ou Nyûbu Shugyô)
" Entrée en montagne " ou " l'ascèse de l'entrée dans le monde des Bouddhas "
C'est pour les shugenjas, l'exercice majeur que tout yamabushi se doit de faire, tout au long de sa vie. C'est à travers cette pratique qu'il reçoit l'enseignement de ses maîtres et instructeurs. Tous les ans au minimum, il se doit de se " ressourcer " dans le mandala naturel. Au moyen-âge, les yamabushi plus nombreux qu'aujourd'hui, bénéficiaient d'un pèlerinage par saison, avec des objectifs différents à chaque fois. En fonction des écoles, les uns, de l'école Tôzan, préféraient exécuter le parcours du Nord vers le Sud, alors que ceux de l'école Honzan préféraient le parcours plus difficile, car montant, du Sud au Nord. Pour tous les temples Shugen de Kyoto et Nara, les montagnes sacrées pour les pèlerinages est la chaîne de l'Ominé. Mais chaque école pouvait avoir ses propres montagnes, comme le mont Aso et Hiko pour le Shugen d'Hiko et de Kunisaki dans l'île du Kyushu ; le mont Fuji pour le Sonshan Shugen, et les monts du Déwa Sazan pour l'école d'Haguro. Chaque centre avait sa montagne-mandala. Un temple même affilié à un temple-mère pouvait aussi avoir sa montagne d'entraînement comme Makihata zan pour les yamabushi de Nigata ou Kojima shugen zan pour ceux de la ville d'Okayama rattachés à l'école du temple Shogoin.
L'un des centres toujours en activité se trouve au sein du Parc National des Monts de l'Ominé, dans la péninsule de Kii (Péninsule du Pays des Arbres) : le Mont Sanjo dénommé la mecque du Shugendô. Ce monastère se trouve isolé loin de tout, en pleine montagne, à l'endroit même où l'avatar Zao-Gongen apparut à Enno-gyoja. La chaîne des monts de l'Ominé offre un parcours initiatique ponctué d'épreuves "plutoniennes" sur cinq jours, au cours de marches en montagne de plus de 12 H 00.
Rév Kûban & Rev Taigaku Miyagi franchissant le "rocher de la cloche", Mt Sanjo
l'épreuve de la chaîne sur la dalle du mont Dainichi près de l'ermitage de Jinsen, au 4ème jour de marche de 12 heures quotidiennes...
Une hiérarchie existe entre les Shugenjas qui reçoivent des appellations différentes suivant le nombre de pèlerinages qu'ils ont accompli, car le nombre est générateur d'expériences et de connaissance.
Ceux qui en sont à leur premier pèlerinage, les néophytes sont nommés Shinkyaku. Ils ne peuvent porter encore le supplice Yui-gésa à pompons des yamabushi confirmés et ceux qui ont l'expérience déjà du pèlerinage dans les monts Ominé ne doivent en aucun cas leurs parler des épreuves qu'ils auront à subir. Eux-mêmes, sur le Rocher de la Pendaison, jurent de n'en jamais en parler s'ils n'en ont pas reçu l'autorisation des Supérieurs de l'Ordre. Les Shinkyaku doivent rester dans l'ignorance totale de ce qu'ils vont avoir à subir comme épreuve !
Une fois ce premier pèlerinage accompli, ils portent à partir du second le titre de Sendatsu. Il existe des grades, en fonction de nombre de pèlerinages effectués et d'années de pratique qui se remarque à la couleur du Yui-Kesa et de ses pompons( bleu clair et bleu marine pour les débutants) et de la couleur de la corde qui ceint la taille (jaune pour les laïcs). Il existe un nombre considérable d'appellations ; Jun Sendatsu, (Sendatsu assistant),..., et pour les vétérans (au bout de 20 années de pratique), ils sont appelés Dôshu Sendatsu et portent d'autre titre : Le plus prestigieux chez les « ubasokou-yamabushi » ou yamabushi laics est celui de Bûchû Shusei Dai sendatsu. Les Grands Guides (Dai ou Ô Sendatsu, prononcé aussi Sendachi) portent des appellations différentes en fonction de leur grade dans la hiérarchie monacale ou des taches et responsabilités qui sont les leurs durant le pèlerinage : Le Sendatsu chargé du ramassage du bois pour le rituel du feu se nommera Kôgi Sendatsu ; celui qui portera l'eau lustrale en offrande aux Bouddha se nommera Akka-Sendatsu et les hauts dignitaires religieux, directeur du pèlerinage premier de cordée et maître de discipline seront appelés différemment. Le Shô (Précieux) Dai (Grand) Sendatsu (guide) Directeur du pèlerinage est nommé Ojuku par l'ensemble des Shugenja du temple Shogoin. Le Shô Dai-Sendatsu, qui connaissant parfaitement le chemin de montagne (le premier de cordée) est nommé Sakkigaké-Dai-Sendatsu. Ceux qui assument désormais ces fonctions sont le chef de l’office du temple Shogoin et son second : le Révérend Nakamura qui depuis l’été 2008 assure cette fonction et Révérend Taigakou Miyagi qui est le Guide ouvrant le pèlerinage. Ce dernier a réalisé plus de 45 fois ce pèlerinage. Ils succèdent tous deux aux Révérends Okamoto (1988-1999) et Nakai (2000-2007). Nakai sensei a effectué ce pèlerinage plus de 60 fois; 2 fois par an durant plus de trente ans pour son temple et celui du Shogoin...
Révérend NAKAI Kyozen
Chef Abbé du temple KIZO-IN
village de Yoshino
A partir de 5 pèlerinages dans l'Ominé, on peut recevoir le titre de Grand Guide, Dai Sendatsu avec certificat du temple attestant. Tous les pèlerinages et initiations font l'objet d'attestations au Japon!
Ces pèlerinages obéissent à une synergie de groupe, où se déroule tout un processus impossible à réaliser seul. Nous reviendrons plus tard sur les pèlerinages et les ascèses faites en solitaire, car leurs buts sont différents.
Auparavant, avant d'y prendre part, une préparation de 30, 50 voir 100 jours était obligatoire au village de Nachi; mais plus maintenant. Tout le monde part du temple Shogoin à Kyoto, passe par le village de Yoshino (au sud de la ville de Nara), dort au temple Kizoin, puis au sommet du mont Sanjo dans le monastère, dort la troisième nuit au gîte du mont Sumisen, puis à l'ermitage de Zenki et au village de Yunominé (et ses sources d'eau chaudes miraculeuses), après être passé prier devant le sanctuaire de la cascade de Nachi et aux sanctuaires de Hongu et Shingu de la ville de Kumano. Cela prend une semaine, pour faire ce pèlerinage de groupe. Par contre, des règles ancestrales à maintenir durant le pèlerinage, que nous allons vous énumérer ensuite, la plus importante est toujours : chaque jour du pèlerinage, il faut s'efforcer d'entretenir en soi le désir ardent et pur de progresser dans la voie de la bouddhéité; cela se nomme Shôshin, l'esprit pur ou du nouveau-né. L'abstinence sexuelle (kessai) est de rigueur durant tout le pèlerinage, surtout à notre époque moderne où depuis quelques années les femmes sont admises à participer et pratiquer le shugendô. Pas boire d'alcool (même du saké) et ne pas manger de viande vont de pair avec la chasteté lors du pèlerinage dans les monts Ominé. Pour le Shôgoin, c'est le Sakkigake-Sendatsu qui fait office de Maître de Chants (Kiyoto) et indique aux individus les fragments de sutra et les prières à dire à chaque endroit où la colonne doit faire halte dans la montagne. Chacun des moines qui accompagnent le pèlerinage ont des rôles bien définis ! Les apprentis moines (Gâkusô) sont chargés de porter les affaires des Directeurs plus leurs propres affaires et de souffler dans la conque en marchant durant plusieurs heures. Des ampoules finissent par apparaître aux commissures des lèvres.
Le N°1 du Shôgoin, le Shô Dai Sendatsu Dempô Dai Ajari est le Révérend Tainen Miyagi ! Il est l’actuel Gomonshu Sama du temple Shôgoin et Chef de l'école Honzan-Shugen. Avec le Révérend Nakamura, le Gomonshu Miyagi étaient les 2 seuls Yamabushi à escalader le " rocher d'égalité " (Byobu-iwa) au sommet du mont Sanjô, face au vide, le dos collé à la paroi rocheuse, en se servant des talons. Le Gomoshu du temple Shôgôin est le Man-in Dai Sendatsu, c’est être le " Grand Guide Complet " qui a tout pouvoir de décision; y compris celui d'adapter les règles de pratique à l'époque moderne...
Kujaku myoo roi des paons
l'ogre Zenki, disciple d'Enno Gyoja
Voici quelles sont les règles de base lors du pèlerinage dans l'Ominé :
Ne jamais perdre de vue (en ayant des pensées malsaines) que le Moi devient Bouddha.
Ne jamais être impoli à l'égard des Directeurs et des Vétérans.
Ne pas se montrer indolent vis à vis des tâches à effectuer chaque jour.
Se conformer simplement aux ordres des Directeurs et Maîtres et ne pas désirer la Loi Profonde (Enseignement Secret) avec un esprit désordonné.
Tenir compte des avis des Vétérans et ne pas toujours agir selon son propre sentiment.
Ne jamais oublier la Compassion, la Patience, les bonnes manières (les 6 Vertus ou Paramitas) et ne pas donner libre cours à la haine (3 poisons, San-doku)
Ne pas départir des bonnes manières et accepter les outrages de la part des Anciens.
Etant sur sa couche, ne pas avoir de conversations futiles (à propos du Dharma ou des femmes)
Ne pas toucher aux sujets frivoles, ne pas s 'amuser à rire de paroles oiseuses ou grivoises.
Au lit, s'endormir en faisant tourner son chapelet (s'endormir en récitant les mantra)
Craindre les Vétérans, Directeurs et Maîtres de Discipline, et lire les sutras à haute voix (les yamabushi en montagne ont pour habitude de parler à pleins poumons et les textes doivent être intelligibles)
Respecter les prescriptions des Directeurs et des Vétérans.
Ne pas arriver à des discussions inutiles. Si la discussion dépasse les limites qui siéent, on ne peut l'empêcher.
Sur une couche ne pas s'endormir en bâillant largement (Dans tout le Japon le bâillement est très mal perçu ; une coutume populaire disait même que l'âme pouvait s'enfuir du corps par le bâillement).
Ceux qui mettent sans soins leurs sandales de paille (Yatsume-waraji, sandales aux 8 œillets) ou qui les quittent en les laissant en désordre seront punis de corvées exceptionnelles. (Il faut avoir marcher avec ses sandales pour comprendre l'importance qu'elles peuvent revêtir pour un shugenja, même si à l'époque moderne, les " chika tabi " en toile blanche ont remplacé les sandales en paille chez de nombreux shugenja. Néanmoins certains maîtres comme le Dai Ajari Miyagi Tainen continuent à les porter pour leur confort et l'adhérence qu'elles offrent sur les pierres mouillées. Laisser en désordre ses sandales, vu le nombre de yamabushi, c'est s'exposer à ne plus pouvoir les retrouver lors des départs, puisque au Japon, il est coutume de se déchausser lorsque l'on pénètre à l'intérieur de bâtiments, même en montagne)
Ne pas bavarder en entrant en montagne avec les néophytes qui n'ont pas encore pratiqué.
Ne pas couper du bois pour soi dans un rayon de 650 mètres ( 6 Chô) autour du refuge (pour ne pas appauvrir la forêt autour du refuge) Toutefois le ramassage du bois mort n'est pas interdit.
statue d'Enno Gyoja
Pendaison de l'ouest (nishi no nozoki) au Mt Sanjo
1994, Kuban dans la caverne de l'ile de Tomogashima durant son "mizudachi no gyo"
Ces règles à l'époque féodale étaient relues chaque jour par les néophytes afin de bien les retenir. On ne représente jamais assez bien les fatigues, épreuves et corvées à faire le long de ce pèlerinage harassant qui continue à décourager les moins robustes ou les plus vantards après leur première fois.
A Haguro, les Yamabushi vivant près du temple, au cours des semaines qui précèdent le pèlerinage d'automne dans les monts du Déwa-Sanzan et au monastère Kotakuji, se réunissent pour procéder à la préparation du matériel, de l'habillement et de l'équipement nécessaires au pèlerinage. Pour le miné-iri dans les monts Ominé, ceux sont les moines du Shogoin qui préparent dans le temple à Kyoto tout le matériel nécessaire. Néanmoins, l'achat du costume* de yamabushi (tenue de rituel qui est indispensable à tous shugenja vu son confort et son utilité) reste à la charge de chacun en fonction de son grade et de ses capacités (financières).
Kûban 1991, temple Shôgoin pendant le "takuhatsu" en janvier...
Printemps 1995, Kuban effectuant les offices du matin dans le temple KIZOIN
Le costume des Yamabushi
" Endosser les vêtements de Yamabushi, c'est revêtir la personnalité de Fudo " répètent depuis toujours les shugenjas. C'est une tenue, très pratique en montagne qui n'a pas changé depuis plus de mille ans. Les vêtements traditionnels sont vus comme inconfortables par la plupart des néophytes étrangers. Dès le départ, le costume se révèle un maître véritable qui nous enseigne des choses importantes en montagne.
Le vêtement des yamabushi est un véritable maître-Enseignant pour les shugenjas.
Pour incorporer tout son symbolisme, Les yamabushi ont une "méditation" spéciale à faire sur le symbolisme de chaque partie du costume lorsqu'ils le revêtent. Un yamabushi confirmé enfile sa tenue en moitiée moins de temps qu'un débutant (10mn). Nous allons à présent énumérer les principaux attributs qui constituent l'habit de yamabushi lors des pèlerinages en montagne.
(Rev Nakamura, Directeur de l'Office du temple Shogoin à Kyoto, photographie tirée du live YAMABUSHI NYUMON par Gomonshu Miyagi)
Tokin : C'est une petite coiffe portée sur le devant du crâne, qui symboliquement rappelle le lotus sur le sommet de la tête de Fudo et qui permet aux yamabushi de se protéger la tête lorsqu'ils passent sous des racines ou des arbres. Il peut aussi servir de tasse pour boire ou de coupe pour offrir l'eau aux Bouddhas en montagne, où l'on manque toujours de matériel. Sa forme particulière est remplie de symboles que tous shugenjas se doivent de connaîtrent. Il existe un petit tokin noir, soit en plastique à présent, ou en papier laqué, très dur et très léger plus confortable et pratique en montagne. Il symbolise le lotus se trouvant sur le sommet de la tête du Bouddha Fudo. En ville, ou durant les cérémonies, les yamabushi peuvent revêtir une autre coiffe, l'Eboshi (coiffe de l'aile de corbeau) la coiffe noire d'En-no-gyoja, qui a plusieurs plis comme une Swatiska et une petite protubérance pour rentrer la natte lovée sur le sommet du crâne. Ils peuvent aussi porter la coiffe de brocard à larges pans jusqu'aux épaules (Nagai-tokin, le Tokin long) peu pratique en montagne, c'est la coiffe habituelle des maîtres de l'ésotérisme en particulier et de l'ensemble du Mahayana en général.
Hangai ou Ayai-kasa : c'est un chapeau tressé de fines lattes de bois de cyprès, très léger, contre la pluie ou le soleil. Symboliquement, il représente l'auréole des Bouddhas et Bodhisattva. Il représente la matrice du Taizokai mandala alors que les cordons d'attaches sont symboliquement les cordons ombilicaux qui nous rattachent à la Mère-Nature.
Suzukake et hakama : c'est une veste et une jupe-culotte dont la coupe n'a pas changé depuis plus de 1.000 ans. Initialement, c'est un vêtement laïc, porté par les nobles de la cour de Kyoto, puis par l'ensemble de la noblesse , par la caste des guerriers depuis l'époque Kamakura et par tous les yamabushi en montagne depuis 1000 ans. Il est en coton pour les débutants, en soie pour les " tenues rituelles " lors des cérémonies à Kyoto ou en lin et chanvre pour se rendre en montagne. Léger, séchant rapidement après la rosée, lors de la marche, sa couleur est souvent ocre-orangée, couleur de l'œuf ou du liquide amniotique. La veste symbolise le Kongokai mandala avec ses 9 parties et le pantalon le Taizokai mandala avec ses 8 plis.
Yui-gesa (ou Fudo-kesa, Bonten-kea ou Machikon-kesa) : le kesa est la grande toge bouddhique des moines, le vêtement originel monacal fut conçu par le Bouddha historique Shakya à partir de 9 bandes (du linge menstruel) cousues en une seule pièce d'étoffe comme un patchwork. Cette étoffe peu pratique en montagne, où elle se déchirerait facilement aux rochers et aux branches, est pliée en une seule bande de tissus à laquelle on ajouta 6 pompons pour symboliser les 6 vertus. C'est un pectoral blanc (Shiroi ginran bonten kesa) pour les religieux et marron (Chahiro ginran bonten kesa) pour les laïcs, avec des motifs incrustés en or de feuilles de l’arbre Ginko-Bilobab (symbole de l'ascétisme dans l'école Honzan). La couleur indique le grade : Bleu marine pour les débutants laïcs et blanc chez les ascètes religieux confirmés qui pratiquent les retraites difficiles (hara-gyô, entre 100 et 1000 jours). ou pour les novices. Les écoles de shugendô ne se comptant plus que sur les doigts d'une seule main, tous les yamabushi savent se reconnaître au premier abord de loin par le Kesa porté avant même d'échanger les premiers codes d'appartenance au groupe. De plus il existe une fraternelle entre toutes les écoles shugendô, Shugen Kosyukai qui regroupe les temples Shogoin, le Sanboin, Le Shozenin, le Kimpusenji et Tonanin, Le Kizoin, le Sakuramotobô, le Chikuriin, Le Ryusenji, les sanctuaires de Nachi et Kumano, les différents temples affiliés des provinces du Yamato (Kansai ; Kyoto, Nara, Wakayama, Osaka et Mie), du Kanto (région de Tokyo), les groupes shin-shinto des monts Ontake, Tateyama du Kyushu et autre sans distinction de classe ni de doctrine afin de préserver et de conserver intact l'enseignement et l'étude du Shugendô. Dans le Shugendô le Bonten-kesa est un signe de reconnaissance et d'appartenance. C'est le pectoral de Fudo.
Kûban avec Shizuka Aoki sensei , descendante du saint Jitsukaga Hayashi, le dernier ascète qui se suicida du haut de la cascade de Nachi.
Hirataka-nenju : c'est le nom donné au rosaire spécial à 108 grains employé dans le shugen. Il se porte autour du cou uniquement en montagne, car dans le mandala naturel, on n'est plus censé être dans la Sangha. Autrement les yamabushi le portent toujours enroulé en 3 tours au poignet gauche. Utilisé comme un boulier, il permet de compter le nombre de mantras récités lors des jappa (récitation de mantra de façon ininterrompue). Les grains symbolisent les passions que l'on polit tous les jours à force de persévérance et de pratique.
Hôragai : la " conque de la Loi " joue le même rôle que le clairon des formations militaires. De surcroît elle éloigne les animaux dangereux comme les sangliers, les ours ou les cerfs (autrefois les loups). Elle appelle les hommes à se rassembler, elle signale le départ ou l'arrivée au gîte, le début ou la fin d'un rite. Elle peut émettre entre 3 à 5 notes faites uniquement en pinçant différemment les lèvres. Chaque école de shugen à ses propres phases mélodiques, ce qui permet de se présenter en montagne sans avoir à se parler forcément. La conque est l'instrument porté par le dieu indien Vishnou, elle est entendue dans les 3 mondes. Sa forme fait penser à la lettre sanscrite BAN, symbole de Dainichi Nyorai dans le Kongokai mandala. C'est le moine Kukai qui, le premier la rapporta de son séjour en Chine. Savoir souffler durant des heures lors du pèlerinage de " l'entrée en montagne " dans le massif de l'Ominé développe considérablement le souffle et procure des expériences mystiques incomparables : le son profond de la conque se répercutant sur les glandes pinéale et pituitaire du cerveau si l'on a appris à souffler comme il convient dans le shugendô avec un Maître de l'art de souffler dans la conque. Durant des années au Shôgoin, ce fut mon travail, que d'apprendre à souffler dans la conque aux apprentis jeunes moines. Son apprentissage est long, fastidieux et douloureux néanmoins avec un bon instructeur, il faut six mois pour maîtriser les mélodies à 3 notes, plusieurs années pour les 5 notes de l'école Tôzan. Comme tous les Maîtres de Conque, j'ai étudié les 4 façons de souffler (avec leurs phrases mélodiques) des 4 grandes écoles du Shugen et si le style d’Haguro est relativement facile à maîtriser, les styles du Shogoin et du Kimpusenji, avec leurs 3 sons sont plus difficiles. L’école Tôzan quant à elle, avec ses 5 sons, est particulièrement difficile ! Et même si l'ésotérisme Shingon et Tendai utilise la conque lors des défilés et parades, il est loin d'égaler la magnificence de l'art de souffler dans la Hora par les Yamabushi du Shugendô.
Shakujô : le sistre ou bâton court à anneaux, il fut inventé par le Bouddha Gotama pour indiquer la présence des moines devant les demeures auprès desquelles ils allaient faire l'ascèse de la mendicité. Il est porté par les yamabushi à la ceinture. En montagne, il est utilisé pour rythmer les lectures des textes comme le tambour.
Oi ou enkyu : c'est un coffre portatif à 2, 3, ou 4 pieds, pour pouvoir le poser à terre sans le salir. Il était fait soit en bambou tressé léger ou en bois laqué, plus lourd. Il servait aux yamabushis à transporter une statue d'En-no-gyoja ou de Fudo (ou autre suivant le culte particulier choisi). Il était maintenu sur le dos grâce à des sangles semblables à celles des hottes. Aux temps médiévaux, le yamabushi l'emmenait toujours lors de ses pérégrinations, à fortiori dans l'Ominé pour la " recharger ". Mais à présent ce coffre n'est plus montré que lors des défilés qui précèdent la cérémonie de l'Oblation du feu (Saito Goma) en ville. En montagne, il est devenu encombrant puisqu'il faut désormais marcher très vite ! Ses dimensions symboliques rappellent certains aspects de la doctrine du Shugen.
Kata-bako : littéralement " Boîte sur les épaules ". C'est une boîte rectangulaire, posée sur le coffre portatif contenant les suppliques à réciter aux divinités, les listes des responsables et des participants, l'encre, des pinceaux pour écrire et des feuilles de papier, ainsi que divers objets usuels. Le katabako sert souvent de couvercle au coffre portatif. Il est fermé par un nœud sacré (tama-musubi) indiquant le caractère confidentiel des informations qu'il renfermait . Comme le Oi, lui aussi, n'est plus employé que lors des parades pour les cérémonies.Lles Directeurs de pèlerinage préférant à présent l'utilisation du sac à dos, plus pratique pour des déplacements rapides.
Kongo-zuè : c'est le bâton de marche. Il peut-être de longueur et de forme différente en fonction du grade et des responsabilités. De simple branche morte pour les néophytes qui le laisseront sur place dans les monts Ominé à la fin du pèlerinage, il est soit octogonal pour les Sendatsu ou parfaitement cylindrique pour les Directeurs. Ces 3 modèles sont toujours en vigueur. Symboliquement c'est le Foudre-diamant qui est le maître qui conduit sur le sentier de l'Eveil. A l'époque féodale sa robustesse, en chêne ou en cyprès, le transformait souvent en perche pour porter l'eau et le bois. Faisant environ 1 mètre 50 pour les Sendatsu, il est de 1m80 (6 shaku) pour les Directeurs. Le Sakki-Sendatsu, lui doit arborer un Kongo-zué un peu particulier puisqu'une lance acérée doit y être dissimulé (Shikomi-zué ) au cas où le passage de la colonne était barrée par un animal rendu fou, tel les femelles ourses avec leur petits ou des sangliers chargeant parce qu'un esprit démoniaque les rend agressifs (Goryoé).
Hisshiki : c'est un morceau de peau de mouton, chèvre, sanglier, daim ou d'ours qui permet de s'asseoir dans ces montagnes japonaises détrempées par la pluie en permanence. Il garde le bas du dos au chaud et évite ainsi d'attraper un refroidissement du corps et permet de s'asseoir pour laisser reposer les jambes. Bien que bouddhiste, c'est avec les sandales de paille, la seconde chose en importance que je recommande de porter dans les montagnes humides du Japon ! Ce carré de peau symbolise la peau du lion sur lequel le bodhisattva Fugen est assis. Il symbolise aussi les passions que doivent contrôler tout yamabushi. il est évident qu'à présent, il est possible d'utilisé une imitation en syntétique...
Kyahan et Tekko : les jambières et mitaines protègent des éraflures, et permettent de rendre la jupe-culotte utilisable en montagne. Les guêtres protègent des sangsues qui pullulent à certains endroits du pèlerinage. Il existe 2 modèles symboliques : un pour le pèlerinage de printemps et un autre modèle pour l'automne. Si un yamabushi revêt des guêtres de couleur noire, cela signifie qu'il s'entraîne au " genkurabé " (concours de pouvoirs) de " la marche rapide sur les nuages ! "
Hiôgi : l'éventail fait de lamelles de bois de cyprès est très utilisé pour attiser les flammes lors de l'oblation du feu.
Shiba-uchi (Hôken) : c'est un glaive, ressemblant au sabre de Fudo, porté par tous les yamabushi avant l'abolition du port du sabre au Japon, sous le prétexte de servir à couper le bois. Il n'est plus utiliser aujourd'hui que pour le rituel du Sabre de Sapience dans la grande Oblation du feu de menu bois à l'extérieur (Saito Dai goma kuyo). A présent en montagne, les Yamabushi ont leur couteau personnel qu'ils ne sortent qu'en cas d'extrême nécessité car la présence de lame sur des lieux d'ascèses est censé faire échouer les buts de ces dernières.
Hachi-nawa ou Kainô : ce sont deux cordes portées à la taille qui servent à s'assurer lors des passages dangereux au-dessus des précipices. C'est le cordon ombilical de Foudo. Elle est soit jaune, violette, rouge, marron ou blanche suivant la fonction et le grade.
Yatsume-waraji : ce sont les sandales en paille à 8 œillets du shugendô. Difficiles à supporter au départ car les pieds ne sont plus habituer à l'époque moderne à être traité à nouveau si durement. Les waraji offrant une parfaite adhérence par temps de pluie sur la roche glissante, la paille se gonflant d'eau, fait dire aux Yamabushi : " Les sandales en paille sont aux pieds des pratiquants, ce que sont les lotus pour les pieds des Bouddhas ". L'époque moderne ayant perdus les artisans qui confectionnaient (à l'ancienne ces sandales avec lesquelles on pouvait parcourir 60 kilomètres), on a remplacé les sandales en paille par des sandales en toile (chika-tabi) qui abîment les pieds sur les chemins de montagne !
Yamabushi d'Haguro souffflant dans sa conque
Kûban 1996, durant les 100 jours de l'ascèse de la caverne de Shô
Les 2 rochers dans la baie de Toba avec le Mt Fuji (à 500 kms) qui se détache dans le soleil surgissant...
Pagode du temple Seigandoji et sa cascade à Nachi
La Magie des textes bouddhiques de l'ésotérisme
C'est en 538 que le bouddhisme fut introduit par le Roi Syong de Corée, en cadeau à l'Empereur du Japon. Les premiers sutras bouddhistes qui se trouvèrent dans les mains des japonais religieux, des chamans shinto, renfermaient des formule magiques (darani) comme celui du sutra des paons (Kujaku kyo), puis ce fut le tour du Hokké-kyo, puis du Shomankyo, du Muryojukyo, de l'Urabonkyo, du Yuimankyo, du Ninô-Hannyakyo, du Yakushikyo, du Dainichikyo, etc, ...de renfermer des prières magiques. Des prières chamans pour faire pleuvoir, les guérisseurs chamans d'antan laissèrent la place aux chamans jeteurs de sortilèges et de sorcières qui continuent à pulluler dans les rangs du Shugendô aujourd'hui encore !
Unique statue du Tengu des monts Omine, temple Kizoin, village de Yoshino, revêtu des attibuts et costume des yamabushi...
Article suivant par Prof.Miyake
L’un des meilleurs moyens pour introduire le Shugendo est de porter toute son attention sur les austérités pratiquées en montagne qui constituent la partie la plus importante des rites du Shugendo ! En accord avec la doctrine du Shugendo, l’objet des austérités en montagne est de devenir un Bouddha avec son propre corps d’humain dans cette vie. En d’autres termes, le but des austérités en montagne est de transformer le profane en un « homme sacré » par un entraînement mystique au sein des montagnes sacrées.
« Errer dans les montagnes peut devenir une pratique ascétique… » disait le Saint Ascète indien Jishun Milarépa, l’un des maîtres de la lignée tibétaine du bouddhisme de l’école Kagyupa.
Nous pouvons diviser les austérités en montagne en 3 catégories : La première est la montagne conçue comme un endroit sacré. Pas seulement dans le Shugendo, mais dans l’ensemble de la religion Japonaise, les montagnes sont considérées comme des endroits sacrés. Les montagnes sont vues comme « le lieu de résidence » de l’esprit des morts et des ancêtres. Les tombes étaient construites en montagne…
Au Japon, la procession pour se rendre sur le lieu de crémation était nommé « aller en montagne ». Aux temps anciens, les tombes des Empereurs étaient nommés des Montagnes ! Toutes ces coutumes sont des évidences concernant le fait que le peuple nippon perçoit depuis longtemps la montagne comme lieu de résidence des esprits… En particulier, les cavernes, les grottes, les sommets, les vallées sont craintes et respectées comme lieu de résidence de ces esprits…Les montagnes sont considérées comme un « autre monde ». L’esprit d’un mort était prié durant 33 ans par ses descendants pour devenir ensuite un dieu tutélaire, protecteur de la famille ! Seconde catégorie, les montagnes sont vues comme des espaces limités, des sas, entre ce monde et l’autre monde; entre le monde des vivants et celui des morts. La montagne est une « avenue » pour aller au ciel et les cavernes sont des entrées dans cet « autre monde ». On attribue des caractères sacrés et profanes aux êtres vivant en montagne … Troisième catégorie, la montagne est conçue comme « l’axe du monde » et possède le même caractère sacré que l’Univers, le cosmos !
Montée de la corde sur la falaise de l'île de Tomogashima, pèlerinage dans les monts Katsuragi, sud d'Osaka
Les clés pour comprendre le Shugendo en tant que « religion populaire » sont nombreuses. Le Professeur Miyaké Hitoshi (spécialiste universitaire japonais du Shugendo) dénombre 13 divisions pour bien saisir ce qu’est le Shugendo. Mais la plupart des informations concernant les rites du Shugendo sont secrètes, cachées et protégées sous le sceau de la transmission orale « secrète » . Toutes les activités du Shugendo sont inaccessible à toutes recherches académiques à travers des méthodes de recherches normales…
« Les 13 divisions :
Les pratiques en montagne. Elles sont réparties en 2 grands groupes. La première est « l’entrée en montagne/nyubu shugyo ». C’est un pèlerinage en groupe, pour faire des offrandes de fleurs, lire les textes sacrés en l’honneur de nombreux Bouddha et dieux, basé sur la croyance que la montagne est un endroit sacré comme peut l’être un mandala. Il y a 2 types d’exercices nommés « entrées en montagne » : Le premier type fait en groupe permet d’apprendre comment se comporter en montagne lors du second type d’exercice qui consiste à rester dans la montagne, seul (sans redescendre dans la vallée) durant une certaine période. Le second groupe de pratiques sont exécutées lors de retraites plus ou moins longues. Durant ces retraites en montagne (le plus souvent faites en solitaire), sont réalisées des pratiques dites « ascétiques » où culminent les transmissions secrètes et initiations (hihô). Accéder à ce second niveau de pratiques est le but de tout pratiquant sincère du Shugendo. Ce niveau de pratiques est le plus sévère, Haragyo. Il consiste en des ascèses difficiles lors de retraites de 100 ou 1.000 jours dans des cavernes, parfois en hiver pendant la période du nouvel an… L’un des buts de ces pratiques difficiles est d’acquérir des pouvoirs spirituels spéciaux, soit lors de retraites dans les cavernes (yamagomori), en déambulant dans la montagne tout en récitant des mantra (kaihogyo) ou en pratiquant la méditation sous une cascade (takishugyo).
Les cérémonies de consécration (kwanjo) Le Shugendo est un mouvement religieux très influencé par le bouddhisme indien ésotérique du courant de l’école du diamant ( Vajrayana) qui comme lui, a assimilé un nombre important de cérémonies de consécrations. La consécration centrale et la plus importante se nomme « Sho-Kanjo » (la Précieuse Onction). Cette cérémonie se déroule à présent tous les 20 ans, dans les montagnes de l’Ominé, à l’ermitage de Jinsen. Cette cérémonie consacre le pratiquant comme ayant passé à travers les 10 états de l’existence, des enfers jusqu’au monde des Bouddha. Elle symbolise l’obtention finale de l’atteinte du « Corps de Bouddha » en cette vie et- en ce corps (shokushin jobutsu).
Les démonstrations de pouvoirs magico-religieux ou chamans (Genkurabe) Les démonstrations spectaculaires des pouvoirs spirituels obtenus à la suite des ascèses sont les aspects du Shugendo les plus connus au Japon aujourd’hui. Ces démonstrations sont : La lévitation ou le fait de voler dans les airs, marcher sur des lames tranchantes de sabres ; marcher dans le feu ou sur des charbons ardents ; se « cacher » de la vision des autres (disparaître en devenant invisible), s’immerger nu dans l’eau bouillante,…Tous les détails de ces performances furent enregistrées sur vidéos, mais ces vidéos ne prouvent rien. Elles attestent juste de certains phénomènes mystérieux que les illusionnistes et fakirs peuvent facilement expliquer. Néanmoins certains pouvoirs sont pas d’origine « fakiriques » ou shamans et sont bien la manifestation de la divinité dans le corps lorsque celui-ci est un Réalisé ! Certains passages dans le feu exceptionnels quant à la longueur et l’épaisseur des braises continuent à être effectués à Nagoya, au Temple Zenpukuji, sur les monts Takao, au Temple Sajnuin dans la préfecture de Gumma pour les îles d’Honshu et de Shikoku et des marches sur l’eau (franchissement) à une certaine époque de l’année sur le lac Biwa !
Les rites de commémoration (kûyo-hô) Par « rites de commémoration », il faut entendre : Rituels de prières durant lequel le pratiquant croyant exprime sa dévotion envers certaines divinités à travers le chant et la récitation de textes sacrés ou d’autres offrandes. On peut classer les offrandes en 3 catégories : A) Les offrandes de « Respect », comme la décoration et le nettoyage de la salle de prières (kei-kuyo). B) Les offrandes « d’Actions », comme par exemple offrir la lecture des textes sacrés ou exécuter des rituels (gyo-kuyo). C) Les offrandes des « Bénéfices », comme les offrandes de nourriture et d’eau lustrale aux divinités (ri-kuyo). Cette offrande est faite toute particulièrement envers le bouddha courroucé Foudo Myô (en sanscrit Acalanantha), dont la présence de ce bouddha est particulièrement sollicitée dans le Shugendô. Des offrandes lui sont faites et à travers les rites le pratiquant essaie de s’identifier et de ne faire plus qu’un avec Fudo Myô.
La participation aux fêtes animistes de la religion Shinto concernant les dieux de la lune, du soleil, des étoiles et des 28 constellations. Ces activités comportent des chants bouddhiques avec des prières Shinto (norito) pour les dieux Shinto (kami), faisant de multiples offrandes, visitant les sanctuaires, participant à la dévotion, exécutant des rites de purification,… L’une de ces fêtes durant lesquelles les Yamabushi/Shugenja sont particulièrement actifs sont celles en relations avec le soleil, la lune et les étoiles dans le but de prédire les désastres et la prospérité. Les rites de purification durent souvent toute la nuit pour finir avec les premiers rayons du soleil au petit matin. Ils prient pour la réalisation de requêtes. Les fêtes des étoiles incluent souvent le culte de l’étoile du Nord, celle de la Grande Ourse à qui sont adressés des formes variées de divination basée sur le calendrier astrologique chinois. D’autres fêtes où sont souvent dédiées aux dieux protecteur de la famille, de l’agriculture, du feu du foyer, sont aussi l’objet des rituels du Shugendo.
Divination et bonne aventure Les pratiquants du Shugendo (Yamabushi/Shugenjas) s’impliquent dans de nombreuses variétés de divinations, en prédisant le futur, en fonctions des jours fastes ou néfastes du calendrier lunaire chinois, du Yin et du Yang avec les bâtonnets (Ekigyo), ou de la divination de devenir des personnes en fonctions des bonnes ou mauvaises directions (feng-shui) ou bien en fonctions des divinité gardiennes déterminées avec l’heure et le jour de naissance.
L’art d’obtenir des oracles grâce à des médiums (fujutsu) Comme mentionné auparavant, s’additionnant à d’autres méthodes les Yamabushi obtiennent des oracles en utilisant des médiums et vestales pour se faire posséder par des divinités, des dieux ou des Bouddhas. Ces médiums, utilisant leurs corps comme réceptacle des esprits, ont la possibilité de donner des oracles. Mais le rôle marginal de médium n’est pas spécialement lié au Shugendo au Japon parce qu’il y a beaucoup de médiums/shamans qui ne sont pas des pratiquants de Shugendo.
Les prières de possession ou exorcismes (yorigito) C’est particulier au Shugendo d’obtenir des prédictions ou des oracles où les médiums sont posséder par les divinités (ou esprits) auxquels sont demandés d’exaucer de nombreuses requêtes ou souhaits.
Les cérémonies du feu pour contrecarrer la malchance et biser les obstacles. Le « Goma » est un rite du feu qui est en réalité une prière puissante adressée aux divinités du Shugendo. Une certaine liturgie est dite ; incluant des chants spéciaux avant et pendant que le feu brûle. Des offrandes sont brûlées dans le foyer à l’attention des divinités, souvent le Bouddha Courroucé « Fudo Myô », et des suppliques et prières sont adressés comme requêtes. Le « Saito Dai-Goma », la « grande oblation du feu à l’extérieur » est particulière et unique au Shugendo. Cette cérémonie est l’une des plus importante et des plus sacrées des rituels du Shugendo exécutés en montagne, avant et après les pèlerinages.
Les rites centrés sur diverses divinités (Shosonbô) Avec la cérémonie du feu, le Shugendô comporte de nombreuses cérémonies utilisant une gestuelle des mains et des doigts (mudra en sanscrit, inzu ou shin en japonais), ainsi que des incantations (mantra en sanscrit ou shingon en japonais) avec des supports visuels nommés : mandara en japonais, ou mandala en sanscrit dont le but est d’atteindre l’identification de soi et de l’objet de ses prières ! Ce cérémonies sont adressées particulièrement à une seule divinité principale et de nombreuses subalternes : Comme par exemple le Bouddha de Médecine (Yakushi Nyorai) en tant que Protecteur du Pays en cas d’invasion possible. Ce fut le cas lors de l’invasion Mongole du Japon où ce Bouddha fut prier par l’ensemble du Shugendo Nippon au point dit-on, d’avoir déclenché un typhon miraculeux nommé « vent divin » (kamikaze) qui sauva le Japon en coulant la flotte mongole…Ainsi que le Bouddha de la Terre de l’Ouest (Amida Nyorai), le seigneur qui assure une bonne renaissance… ou d’autres nombreuses formes du Bodhisattva de Compassion (Kannon Bosatsu en jp, Avalokitesvara en sanscrit) ou d’autres divinités courroucées comme Fudo Myô ou Aizen Myô..ou d’autres plus sages comme Manjusri ou Kokuzo (le seigneur de l’espace)… Mais la liste des cérémonies enregistrée fait référence le plus souvent dans le Shugendo à des cérémonies adressées à des divinités de la classe des Vajra comme Fudo Myô !
Les incantations et les bénédictions (Kaji-kito) Le terme « kaji » (bénédiction) est souvent combiné avec celui de « kito » (incantation) pour former un seul mot employé par les pratiquants : Le mot de « Kaji-kito » et dans l’esprit populaire ce terme caractérise la fonction sociale et la principale activité des pratiquants du Shugendo. De toute façon ces 2 termes, kaji et kito, ne signifie pas la même chose. « Kito » fait référence à des prières ou des rites d’incantations offerts à une divinité sous formes de requêtes durant une cérémonie comme celles du feu ou autres… Le mot « Kaji » fait référence à l’identification « Ka » du pratiquant de Shugendo avec une divinité en vue de la réalisation « Ji » de certains buts. « Kaji » est un rite religieux durant lequel le pratiquant achève l’identification de lui-même avec des divinités en vue de manipuler les pouvoirs obtenues grâce aux mérites accumulés.
Les rites de désenvoûtements ou d’exorcismes (tsukimono-otoshi et chôbuku) Les pratiquants de Shugendo font aussi des rites de « guérison » : Soit en transmettant l’énergie accumulés lors d’ascèses…ou en déterminant les causes « karmiques » de la maladie (comme la possession d’un esprit mauvais ou un mauvais karma familial,…. ou la possession par l’esprit d’un animal ou d’une personne démoniaque). Ils réalisent alors des cérémonies de désenvoûtements pour exorciser ces « mauvais esprits ». Les pratiquants de Shugendo (du moyen âge) étaient réputés dans tout le Japon comme des figures pouvant contrôler et manipuler ces « esprits de possession » (tsukimono-otoshi). Dans certains cas, un simple rite de désenvoûtement n’était pas suffisant et demandait un rituel d’exorcisme plus important nommé « Chôbuku » (subjuger les esprits). Un exemple de ces rites est la pratique du rite du « kuji-hô » (le rituel des 9 lettres) où sont utilisé 9 mudra (ou gestes des mains) et 9 formules incantatoires pour drainer la puissance de divinités supérieures très puissantes qui vont chasser et purifier la personne ou le lieu des mauvaises influences ou des esprits malfaisants… Cette cérémonie particulière est basée sur des pratiques Taoïstes et c’est l’une des pratiques fondamentales du Shugendo.
Les charmes, les amulettes (Ô Fuda) et envoûtements. Finalement, les Yamabushi/Shugenjas utilisent de nombreux charmes, amulettes et rites d’envoûtements pour répondre aux requêtes des personnes qu’ils souhaitent guérir, pour assurer une naissance dans les meilleures conditions de santé pour la mère et l’enfant, pour la protection contre les vols et larcins,…Ces charmes sont souvent des formules magiques ou des prières incantatoires (des morceaux de textes sacrés, des formules ésotériques, le nom de certaines divinités) écrites sur des petites amulettes. Ces amulettes sont portées par les gens dans leur poche ou autour de leur cou, ou bien placées quelque part dans leur maison pour combattre l’infortune et appeler la bonne fortune.
Acalanantha /Fudo Myô
Directeur Okamoto, monts Omine
Pèlerinage annuel de l'Okugake, 1989
Montée de la chaîne du Mt Dainichi près de l'ermitage de Jinsen dans les monts Omine
Les premiers rituels du Shugendo sont ceux associés avec le pèlerinage de « l’entrée en montagne » et de la consécration finale, à travers lesquels le pratiquant s’efforce d’achever l’identification de lui-même avec une divinité et manifeste ensuite aux croyants à travers des cérémonies de démonstration de pouvoirs magico-religieux obtenus (genjutsu ou genkurabe).
L’identification et la communication avec ces divinités se poursuivent au travers des rituels d’offrandes (kuyô-hô) et de nombreuses autres activités en relation avec les festivals. A la base, les actions des Shugenjas sont toujours des réponses aux requêtes des croyants : Faire un rite divinatoire ou obtenir un oracle grâce à un médium, écarter le malheur et l’infortune en apportant plus de clarté, et en chassant les mauvaises influences des astres néfastes et les esprits malins. Les mauvaises influences sont souvent repoussées grâce aux rituels du feu (goma) ou à d’autres rites centrés sur des divinités guerrières demeurant dans de petits sanctuaires que le pratiquant porte sur son dos dans un coffret à cet effet. A d’autres moments, il exorcise des démons et autres esprits malins ou combat la malchance en sollicitant des bénédictions divines, ou en fabriquant des amulettes à l’aide de charmes ou d’incantations.
La falaise de l'île de Tomogashima avec la caverne de la visualisation à 1/3 de la montée
Les rituels du Shugendo se divisent en 7 catégories :
Les rituels dont les buts sont l’achèvement de l’identification entre le pratiquant et l’objet de vénération : Les rituels fait lors des pèlerinage en montagne, les consécration et onctions, la démonstration de pouvoirs magiques ou spirituels, ou les rites adressés au Bouddha Courroucé Fudo Myô.
Les rituels dont les buts sont d’entrer en communication avec l’objet de vénération : Comme dans ceux où sont chantés les textes canoniques (sutra) dans les festivals en l’honneur des divinités.
Les rituels comme moyens d’achèvement de l’identification avec l’objet de vénération : Rites de divination, obtenir des oracles à travers des médiums, prières de possessions, « goma » cérémonies du feu, rites de bénédictions, incantatoires ou d’exorcismes pour certaines divinités.
Les rituels qui concluent l’achèvement de la puissance pour manipuler et faire obéir ces divinités : Prières de possessions, « goma » cérémonies du feu, bénédiction et incantations, exorcismes, amulettes et formules magiques.
Les rituels pour recevoir des oracles : Divinations, oracles grâce aux médiums et prières pour conjurer les possessions.
Les rituels de prières : Services et offices adressés pour le soleil, la lune, les étoiles et envers les petits sanctuaires ; « goma » les cérémonies du feu pour contrer la malchance.
Les rituels d’exorcisme ou pour contrer des influences malsaines : « Kaji-kito », incantations, pour se protéger contre des possession d’esprits, ou « défaire » les esprits maléfiques, les amulettes et les formules magiques. .
1990 Kûban & Reihô au sommet du Mt Gassan, pières au soleil devant une mer de nuages...
La structure des rituels du Shugendo peut être conçu comme suit : En premier le shugenja s’identifie avec une divinité pour apprendre, à travers un oracle, quelle divinité malfaisante (ou quel mauvais esprit) est la cause de la maladie ou de l’infortune. Et puis grâce aux « super pouvoirs » reçus des divinités (en retour des mérites accumulés lors d’ascèses difficiles), il va pouvoir exorciser ou écarter les influences mauvaises. La structure de ces 3 éléments montre les 3 phases du processus : Identification avec la divinité, manipulation des forces de ces divinités et exorciser ou écarter le malheur grâce à leurs puissance. Le monde spirituel du Shugendo contient un large éventail syncrétique de pratique bouddhiste, brahmanique, taoïste et shintoïste pour réaliser une « cosmologie universelle ». .