Conférences Musée GUIMET par Révérend Kuban

(all picture & text are Shomudo hermitage copyright)

 

Conférences données le 18 jun 2011 au musée Guimet

dans le cadre de l'exposition sur les Ofuda de la collection du

Professeur Bernard Franck

 

1) Les Maîtres japonais fondateurs du bouddhisme ésotérique nippon

 11h

 

C'est avec un joie immense et un grand honneur que d'être parmi vous aujourd'hui, afin de partager ensemble, aux milieu des trésors du Panthéon Bouddhique de l'Hôtel Heidelbach, annexe du Musée Guimet.

 

Comme le disait déjà Alexandra David-Neel: « J'aimerai que le musée Guimet soit toujours comme un temple... »

 

A l'époque Meiji, il y eut au Japon une « chasse aux sorcières » concernant ce que les scolastiques nomment: bouddhisme « synchrétique » alliant bouddhisme et shintoïsme qui porte le nom de SHUGENDO, ryobu shinto s'il s'agit de l'école Shingon ou Sanno Ichijtsu shinto s'il s'agit du Tendai, que je préfère nommé: "bouddhisme montagnard" Ce fut la forme première de doctrines et de croyances populaires sur le territoire nippon.

Au Japon, depuis l'introduction du bouddhisme au Vème siècle, celui-ci est toujours lié à l'animisme shinto. C'est seulement depuis l'époque moderne Meiji, que le nouveau shinto (shin-shinto), qu'il fut demandé par décret impérial de séparer le shinto du bouddhisme (shinbutsu késhaku). Bon nombre de statutaires appartenant à des temples ou des pratiquants furent détruits s'ils ne ralliaient pas à l'une ou l'autre de ces deux courants bouddhiste Tendai ou Shingon. Parfois allant jusqu'à choisir le nouveau shinto comme à Haguro.

Cela porta un coup fatal à la plus ancienne forme de bouddhisme montagnard nippon: le shugendo.

 

 

Pour les japonais, tous les objets conçus de la main de l'homme ont une âme: ceci est encore plus fort lorsqu'il s 'agit du culte.

Je souhaiterai commencer en rappelant qu'au Japon, il existe un culte dans les temples, mais aussi chez les particuliers qui élèvent des petites chapelles (butsudan) à l'intérieur des maisons, notamment pour le culte des âmes des défunts. Au sein du panthéon bouddhique du musée Guimet, on retrouve donc mêlés les deux statutaires: celui des temples et celui des particuliers... Si l'on se doute comment les rabatteurs d'Emile Guimet ont fait pour regrouper les futurs acquisitions en se basant sur l'ouvrage allemand BUDDHA VON NIPONICA, on peut se demander comment des objets de culte de particuliers se sont retrouvés en partance pour la France... Quoiqu'il en soit, ces objets, pour certains introuvables à présent au Japon, sont à présent ici, sauvés d'une destruction certaine...

Le maître ou Ajari

L’origine de l‘institution de Maître et disciple dans le bouddhisme:

« En ce temps là, les moines mendiants récemment ordonnés n’avaient personne pour les instruire après la mort de leur professeur. Ne recevant pas d’enseignement, ils négligeaient leurs attitudes, manquait d’ordre dans leurs vêtements, ne mendiaient plus selon les règles ; poussaient des cris bruyants durant les repas, comme les brahmanes lors de leurs réunions. Alors les moines rapportèrent cela à Bagavat (le bouddha) qui leur dit : 

« J’autorise dorénavant l’institution de Maître à Disciple, qu’ils se considèrent mutuellement comme père et fils et s’assurent réciproquement enseignements et services. »

Maître se dit Ajari en japonais, Acharya en sanscrit, Acarya en pâli et Slob-dpon en tibétain. Les autres termes nuancés en japonais proviennent de l’accent et des circonstances durant laquelle ils sont employés : ashari, Ashiri,…

Les écoles japonaises Sanmon et Jimon de l’école Tendai emploient plutôt le terme d’Ajari alors que la branche ancienne (kogi) du Shingon emploie plus celui d’Acharya. Dans la terminologie des maîtres au Japon, il existe d’autres nuances dues à la langue : shisou, Okuyo (digne d’être servie), Okagyo (dont la conduite est digne d’être imitée), Shogyo (conduite correcte), Chiken (Sage), Denju (qui transmet), Kihan (modèle), Ojuku (directeur)...

 

Le bouddha historique Gotama dit : « il y a cinq sortes de Maîtres :

1) Sukké-Ajari : le maître pour sortir de la maison. Il convertit et ordonne les novices !

2) Kyoju-Ajari  ou jukkai-ajari, c’est le maître enseignant qui enseigne les règles des attitudes à observer lors de la réception des ordinations.

3) Komma-Ajari : en sanscrit karma-acharya ou igi-ajari, c’est le maître d’actes. Celui qui accomplit les actes prescrits lors des ordinations

4) Jukkyo-Ajari : patha-acharya, c’est le maître qui a enseigné, ne serait-ce qu’un jour, à lire les textes canoniques, les sutras.

5) Eshi-Ajari : c’est le maître auprès duquel on réside dans le même logis

 

Les 13 vertus du Maître dans l’ésotérisme bouddhique selon le dictionnaire Hôbôgirin.

  1. Avoir produit l’esprit d’éveil

  1. Posséder Sapience (sagesse transcendante) et Compassion

  1. Etre expert dans tous les arts

  1. Bien pratiquer la Perfection de Sagesse; recherche de la vacuité

  1. Comprendre à fond le triple véhicule (Hinayana, Mahayana et Vajrayana)

  1. Bien expliquer le sens réel des formules (mantra et darani)

  1. Connaître l’esprit de tous les êtres

  1. Avoir foi en tous les bouddhas et bodhisattva

  1. Avoir obtenu les sacrements et autres habilitations pour transmettre la doctrine et posséder l’intelligence subtile des dessins & des cercles (avoir la compréhension des mandalas)

  1. Avoir une nature douce et détachée du soi

  1. Montrer de la décision dans la récitation des formules des mantras

  1. Etre profondément exercé dans l’Application, savoir les rites et doctrines

  1. Résider avec fermeté dans l’esprit d’Eveil, toujours cultiver la bodhicitta, l'aspiration à l'éveil

 

"Avec de telles essences, on est un maître, objet de louanges de la part des bouddhas et bodhisattva. Celui qu’on appelle Maître est un être de Diamant, le plus élevé parmi les hommes; c’est Vajrasattva lui-même"

 

Il existe aussi 3 autres catégories de maîtres :

  1. Le Kunji-Dai Ajari : le maître d’onction, car cette dernière ce fait à l’aide d’un vase qui se nomme Kundi.

  1. Le Dembo-Dai Ajari : celui qui sacre les grands dignitaires ou les autres maîtres.

  2. Le Man-in Dai Ajari: le Grand Maître Complet qui a tous pouvoirs

A présent que la notion de « maître » est clairement posée, nous allons essayer de distinguer quels sont les individus des époque Asuka et Hiean, au cours du fondement de l'ésotérisme nippon, qui ont le droit du qualificatif de Maître et pourquoi.

 

La première référence écrite connue du Japon est une information brève donnée dans les Vingt-quatre Histoires, une collection de textes d'histoire chinois,datant du Ier siècle av. J.-C. Cependant, il y a des preuves d'occupation humaine sur ces iles depuis le paléolithique supérieur. A la suite du dernier âge glaciaire, autour de 12000 avant notre ère, le riche écosystème de l'archipel japonais donna naissance à la culture Jōmon.

La période Yayoi connaît également le développement de la culture Yamato et et le Shintoïsme ancien (Kôshinto) qui sont à l'origine de la lignée impériale japonaise via la déesse du soleil, Amaterasu.

En 239, l'Ouest du pays (Yamatai) est dominé par la reine Himiko.

Période Ancienne (IIe   XIIe siècles)

La période Yamato (250-710) est le début d'un véritable État, et se divise en deux sous-périodes, la période Kofun et la la période Asuka. et la période Asuka.

La période Kofun marque la naissance d'une vraie société accompagnée de bases culturelles par l'invasion de cavaliers avec la volonté de créer un État japonais.

La période Asuka est marquée par l'arrivée du bouddhisme au Japon en 538. La doctrine du bouddhisme Mahayaniste est introduite au Japon, par l’intermédiaire du roi Syong de Corée. Parmi les présents, que ce dernier fait au Japon, se trouve une statue en santal du Bouddha Sakyamuni (Siddharta Gotama) et deux importants textes sacrés: le Shomankyo (srimala-devihananda-sutra) et le Hokkékyo, Sado-dharma-pundarika-sutra en sanscrit, le « Nuage de la Bonne Loi » tiré du sutra du Lotus. Ces textes renferment, dans les chapitres, notamment le n°26 du sutra du Lotus, de nombreuses formules « magiques » (dharani) appartenant au courant du « Véhicule du Diamant » du bouddhisme Vajrayana. Le Japon était un terrain propice pour l’enseignement de ces doctrines. Rapidement, on passe des prières pour faire tomber ou cesser la pluie, à celle pour guérir et bon nombre de prêtres montagnards sont assimilés à des devins ou des guérisseurs..

La victoire du clan Soga permet au bouddhisme de devenir religion officielle à la cour du Yamato en 587. Le prince et régent impérial Shotoku adopte les éléments principaux de la culture sino-coréenne du Yamato en 592, et la première ambassade officielle du Yamato est inaugurée à la cour des Sui en 600.

Cet effet s’accentue vers l’an 602 après JC, sous le règne de l’impératrice Suiko, lorsqu’un moine coréen nommé Kwal Leuk, de la ville de Paik-Tiei, débarque au Japon. Il a dans ses bagages des ouvrages traitant d’astrologie, d’astronomie, de géomancie et de magie: le Tonko et l’Onmyodo.

Iconographie d'ENNO OZUNO petite chapelle polychrome de 26 cm de large et 38 cm de hauteur à l'attention du culte privé de fidèles probablement entouré des Ofuda correspondante et notamment celle du temple impérial Shogoin.

 

Fudo et calligraphie sanscrite de KAN par le temple Shogoin, Ofuda du pèlerinage des 36 temples de Fudo de la région du Kansai

L'un des premiers Maîtres de l'ésotérisme nippon est un lettré de la famille Kamo nommé E(è)n né en 636 ap JC. La famille Kamo s'occupe d'astrologie chinoise (Onmyodo). La magie, très répandue en Chine, influence bien sur le Japon et ses différents cultes. D’ailleurs la littérature japonaise, dès ses premiers livres, abonde en histoires de sorcelleries dans lesquelles des magiciens contraignent des démons à agir pour eux. On prête à ces personnes vivants dans les montagnes (yamabito), le pouvoir de guérir les maladies, (la pharmacopée chinoise des herbes médicinales est abondante), de protéger les gens contre le mauvais esprit, de prolonger la vie, de regarder dans le futur…

 

 

"èn-le-petit-cornu" / En no Ozuno

La tradition du bouddhisme montagnard remonte au septième siècle au Japon. Dans la région de l’ancienne capitale Nara, la figure emblématique dans la province du Yamato (Nara) est En-no-Ozuno (èn, "celui qui possède une petite corne"), autre nom donné à En-no-gyoja (èn-l’ascète), nommé aussi dans textes historiques En-no-Ubasoku (èn-le pratiquant laïc). Il est né le 1er janvier 635 dans le village de Chihara, à l’Ouest de la ville de Nara. Son père est un descendant de la famille Kamo, des prêtres et lettrés attachés à la cour impériale A dix-sept ans, il quitte le foyer familial et prend les refuges bouddhiques mais ne devient pas moine. Il se rend dans les monts Katsuragi, à l’Ouest de Nara, au Nord du village de Chihara et au sud de l’actuelle ville d’Osaka, pour y pratiquer l’ascétisme. On dit qu’il vainquit Otsushi-no-Mikoto, un dieu shinto belliqueux, probablement un chef brigand animiste ! A dix-neuf ans, il s’en va dans les monts Ominé, au sud de Nara. Après une retraite de mille jours, le Bouddha courroucé Zao-gongen (voir le Zaogongen et les Ofuda du hall des Apparitions circonstancielles) lui apparaît et lui indique comment établir un centre d’ascèses et comment révéler le mandala naturel contenu dans les montagnes. Jimpen

Ofuda, tablette votive, ammulette de Jimpen Dai Bosatsu/Enno gyoja temple Kinpuseji, village de Yoshino, préfecture de Nara (collection de l'auteur) A gauche le Démon Disciple mâle Gokki avec la vase à onction et son épouse à droite la démone ZENKI avec la hache pour couper le bois.

 

Il faudra néanmoins attendre plusieurs siècles après, le moine Shingon Shobo pour que l’Ominé devienne un centre spirituel; voir l'Ofuda du grand maître Rigen dans le hall des patriarches.

En 659, En-no-gyoja obtient la « Loi secrète » (mippô), un enseignement secret, lors d’une apparition du maître indien Nagarjuna, dans la grotte du mont Minô, au Nord de la ville actuelle d’Osaka.

Ce site est aujourd’hui disparu car la caverne s’effondra dans les années 70, à la suite d’un glissement de terrain au niveau de la cascade. En contrebas de cette chute d’eau est construit le temple Shugen Ryoanji.

En-no-gyoja fit le pèlerinage du village de Yoshino jusqu’à Kumano, près de la mer et en sens inverse, plus de trente-trois fois. On trouve quelques écritures sur la vie d’En-no-gyoja, dans le premier livre japonais, Nihon-Shogi, le "livre des choses anciennes du Japon antique". Il est mentionné que c’est un magicien bouddhiste qui volait en s’accrochant à « un nuages à cinq couleurs ». Il pratique la magie du sutra de la "Reine des paons" (kujakukyo) et poursuit les démons malfaisants pour les soumettre. A cause de son disciple et cousin coréen, il a mal à partit avec l’empereur du Japon. Ce dernier essaye de lui faire trancher la tête sans succès, puis l’exile sur la presqu’île d’Izu, au sud de la ville d'Atami. Tous les soirs En-no-gyoja s’envole pour le mont Fuji, non loin, afin de prier.et de fouler le sable blanc (neige probablement).

La légende écrite raconte qu’il avait contraint les démons à lui fabriquer un pont pour relier les monts Katsuragi à ceux du Kimpusen dans l’Ominé. « Vêtu de lianes, se nourrissant d’écorce du pin, se baignant nu, été comme hiver, dans les sources et les cascades limpides, pour y laver son corps et débarrasser son esprit des souillures du monde ». L’iconographie traditionnelle le représente toujours avec deux serviteurs/disciples (comme Acala) : les démons Goki et Zenki. Les descendants de ces deux démons fondèrent les villages de Dorogawa et de Zenkiguchi. D’un point de vue ethnologique, c’est ainsi qu’à l’époque féodale, on nommait les réfugiés politiques coréens, "les démons"!

En no gyoja, lui-même de descendance coréenne était appelé dans sa jeunesse « En, le petit cornu », En-no-Ozuno. La tradition laisse deux possibilités sur sa disparition. La première, retenue par le temple Shogoin de Kyoto : « il "s’envola au ciel" pour rejoindre les Bouddhas » (on brûla son corps) au sommet du mont Tenjogataké dans les montagnes de Mino. La seconde, en vigueur au temple Kimnpusenji du village de Yoshino, aux pieds des monts Ominé, prétend qu’il se rendit en Corée puis disparu en Chine où il aurait été aperçu deux siècles plus tard  par l'un des supérieurs du temple Kinpusenji. Il ne fonda pas d’école proprement dite, mais de nombreux ascètes suivirent son exemple. Il laissa une "lignée secrète des cinq grands Yamabushi" qui se transmirent les pratiques secrètes jusqu’au maître de l’ésotérisme Tendai, le moine Enchin, nommé à titre posthume Chisho Daishi, le "Grand Maître à la Précieuse Sagesse".

Ofuda en or 24 carat d'Enno Gyoja, proprité Shômudo ermitage

 

Les années 645 et 646 sont marquées par un sanglant coup d'État, au cours duquel le clan Soga est écarté du pouvoir. La grande réforme Taika est proclamée pour accélérer la sinisation de l'État du Yamato. Des codes inspirés de ceux des Tang régissent alors la vie publique, le droit et le protocole de l'État.

En 663, un corps expéditionnaire est envoyé en Corée pour porter secours au roi de Paekche. Malgré la défaite du corps et le repli du Yamato sur l'archipel, des immigrants coréens sont donc accueillis à la cour.

L'époque de Nara (710 – 794)

 

 C'est l'époque durant laquelle on élève le grand temple Tôdaiji contenant le grand bouddha Birushana qui devient la plateforme d'ordination pour tous les moines quels que soient leur école. 

 

L'époque de Nara débute en 710 par la construction d'une capitale fixe à Nara, sur le modèle des capitales chinoises. Les grands monastères de la ville, tels Hôryuji et Tôdaiji, sont construits grâce à l'expansion économique de la civilisation. C'est aussi l'arrivée tumultueuse du moine chinois Ganjin de Chine au Japon après de multiples tentatives infructueuses...

Les mythes et légendes fondateurs de la dynastie sont rédigés de 712 & 720, et la compilation de l'anthologie poétique du Man'Yoshû est réalisée vers 760.

En 784, afin d'échapper aux moines bouddhistes, l'empereur Kammu déplace la capitale à Nagaoka, sur l'île de Kyushu. 50e empereur du Japon, il cherchait à fuir l'influence des puissants monastères de Nara. Cette période est considérée comme un sommet de la culture nippone, toujours admirée par les générations ultérieures.

À la fin du VIIIe siècle, le nord-est de l'archipel passe sous l'influence de la cour impériale, suite aux campagnes militaires. La fin de l'époque de Nara est marquée, en 794, par un nouveau changement de capitale pour la ville Heian Kyô (Kyôto).

Ensuite, à partir d’En-no-gyoja, des ermites et des moines bouddhistes se trouvèrent là pour donner un sens religieux à ces croyances diverses. Cette opération fût facile car ces itinérants, tous proposaient des buts analogues à ceux des anachorètes de l’époque : écarter des hommes les misères qui accablent en ce monde et procurer les satisfactions terrestres qui rendent heureux.

 

La dévotion envers les précurseurs

Si En-no-gyoja est considéré comme le père fondateur du mouvement du bouddhisme montagnard pratiqué par les shugenjas & les yamabushi, d’autres en même temps ou après, l’imitant ou parcourant une voie similaire, ont contribué à ce culte des montagnes. La religion animiste japonaise ancienne (kô-shinto) vénérait déjà les montagnes mais ne rentrait pas à l'intérieur! On restait "respectueusement" aux pieds des montagnes... Ces lieux, demeures des dieux et des êtres non humains, étaient frappés d’interdits. Avec l’introduction du bouddhisme et des légendes des ascètes indiens qui s’y rapportent, les japonais les ont imités. En-no-gyoja pour les montagnes du fond de la plaine du Yamato au centre et le prince Hachiko pour les monts Haguro, au nord est, furent sans doute les premiers. Et puis toutes les montagnes connurent peu à peu des "ascètes grimpeurs" qui devinrent les dieux protecteurs de ces lieux comme probablement Izuna pour le mont Togakushi; Matsuo Shonin pour le mont Fuji. Les premiers individus qui grimpèrent aux sommets de ces montagnes pour y pratiquer l’ascétisme furent vénérés comme « dieux protecteurs » de l’endroit et leurs statues enchâssés au sommet.

Lorsque le bouddhisme supplanta le shinto ancien et devint religion d’état avec le prince Shotoku à l’ère Tempyo, il fût de bon ton durant mille cinq cents ans de "bouddhéiser" tous les précurseurs! En-no-gyoja devint "Le grand bodhisattva de transformation métamorphique" (Jimpen Dai-bosatsu); Hachiko-no-Öji d'Haguro devint Shoken Dai-bosatsu, quant à tous les autres, ils devinrent des avatars , des gongen ! Le culte des ancêtres par le confucianisme étant depuis son introduction fort respecté au Japon, le culte des ancêtres précurseurs se développa fortement, surtout au début de l’époque Edo (600).

Les fondateurs sont devenus l’égal des bouddhas et reçoivent de ce fait une dévotion même plus forte que les bouddhas eux-mêmes.

Véritable incarnation vivante de « principes divins » pour la population, il est normal d’avoir vu se développer le culte des ascètes fondateurs !

 

Le moine Gyokki et la création du centre du mont Takao à l’ouest d’Edo (Tokyo)

Ce fût durant la période où la ville de Nara était la capitale (vers 697-793) que l’ancien Japon s’organisa graduellement. L’autorité impériale avec l’empereur Shomu fût reconnue sur l’ensemble de l’archipel nippon et peu à peu l’état s’unifia. C’est à cette époque que fût édifié le monastère sur le mont Takao, à l’ouest de Edo (Tokyo). Kofuku, ancien nom pour la ville de Nara, devint la capitale du Japon à cette époque, avec le monastère Kokubunji comme temple principal. Le temple de Takao fut nommé "responsable provincial" pour la province de Musashi. L’empereur Shomu y fit enchâsser le bouddha Yakushi, gardien de la paix qui chasse l’infortune qui protègerait la côte Est. Celui qui supervisa les travaux de construction du temple fut un moine appelé « le saint Bosatsu Gyokki », il était archevêque de la secte bouddhique Sanron. Ce temple fut nommé Takao-san Yaku-O-in Yuki-ji, le "monastère qui apporte la Félicité et chasse le malheur du mont des Grands Eperviers". A l’ère Heiwa (1375- 1378), un religieux possédant de grandes vertus, du nom de Shungen, restaura l’ancienne renommée du temple en y apportant le dieu du mont Togakushi, le Tengu Izuna Daigongen. Ce tempe de la banlieue sud de Tokyo est fort connu actuellement car il enferme l'un des grand bouddha protecteur du pays!

Le moine Robben et la fondation du temple Daisenji au sud d’Edo (Tokyo)

Un peu à la même époque d’En-no-gyoja, celui qui allait devenir un moine bouddhiste de l’école Ritsu sous le nom de Robben, est enlevé par un Tengu (gobelin, mi-humain mi-oiseau) alors qu’il n’était qu’un bébé. Il est emmené sur le haut volcan du mont Daisen, au centre du Japon. En commémoration pour son éducation par ce Tengu, il fit construire le monastère de la « grande montagne », prononcée à la chinoise Daisenji et à la Japonaise Oyamadéra, près de l’actuelle ville d’Iséhara, au sud de Tokyo. Depuis l’époque Kamakura, ce temple est l'un des haut lieu du bouddhisme montagnard de la région Edo (Tokyo). Il porte le nom d'Oyamadéra Fudo-in, car la divinité est un magnifique bouddha Acala en méditation. C’est là où lors de mon premier séjour au Japon, je fus initié au rituel de la cascade (Takishugyo) par le maître Shinkai Suzumura, sur les recommandations de Michel Coquet.

 

Intervention de Cécile B: « qu'est ce que la méditation sous les cascades? » / réponse...

 

Le bouddhisme de Nara va évolué au VIII ème siècle vers des traditions plus complexes, en incorporant les rites du bouddhisme ésotérique et les doctrines animistes du Shin-butsu-shugo, des courants des écoles Shingon Ryo-bu-shinto, unifiant dans un même corps Kami, les dieux shinto, et Bouddha ou des doctrines Tendai Honji-suijaku de l’école Sanno-ichijitsu-shinto.

Cette époque voit également la montée en puissance de la classe des gueriers samourai (bushis), à la place des Mononofu, qui finit par prendre le pouvoir, mettant fin à la période Heian et commençant ainsi la période féodale (Chūsei) de l'histoire du Japon.

Nominalement, l'empereur règne, mais, à partir de 866 le pouvoir passe entre les mains des Régents Fujiwara. En effet, pour protéger leurs possessions en province, les Fujiwara et d'autres familles nobles requièrent des gardes, une police et des soldats. Une autre classe guerrière gagne ainsi progressivement de grands pouvoirs durant la période Heian. A la suite d'Enno Gyoja, environ plus d'une centaine d'années après naissent les futurs maitres Kukai & Saicho.

 

 

 

Iconographies du musée et Ofuda, Hall des patriarches

  1. Statues de Dengyo Daishi (Saicho) bois polychrome d'une hauteur de 17 cm et 18cm de large (figure probablement chez les fidèles).

    Saichô (Dengyô Daishi) (767 - 822)
    Tendai-l Enryakuji, Hieizan. Revient en 804 avec la délégation de Chine où il ne resta qu'une année. Rencontra plusieurs fois le moine Kûkai et reçu à titre posthume en 866, le titre de Dengyô Daishi. La liste d'ouvrage ramenés de Chine est "Dengyô Daishi Shôrai Taishûroku".

  2. Statue de Kobo Daishi (Kukai) bois polychrome hauteur 49cm et largeur 52 cm (probablement provenance d'un temple)

    - Kûkai (Kôbô Daishi) (774 – 835) histoire mêlées de Kukai & Sacho Fondateur du courant Shingon et créateur du Tôji, Kyôto et Kongôbuji (Kôya-san). Se rendit en Chine de 804 à 806 puis revint au Japon. Le prêtre Hui-kuo (Keika) fut son Grand Maître. Il reçut à titre posthume en 921 le titre de "Kôbô Daishi" (Grand Maître Progateur de la Loi bouddhique). La liste est «  goshôrai mokuroku »

  3. Statue du moine Kakuban (Kôgyô Daishi) chapelle de 41 cm de large et 65cm de hauteur. Fondateur de l'école Shingi Shingon ou « shingon avec nouvelles interprétations » (Buzan & Chizan-ha). Se réfugia au temple Negoroji. Le « sceau caché » que montre cette statue est le même que celui conservé au temple Hasedera siège de l'école Shigon Buzan-ha.

  4. Statue du Zazu (Vénérable grand maître) du Tendai: Jikaku Daishi, le moine Ennin

 

 

Définition des trois grands courants du bouddhisme: hinayana, bouddhisme des Anciens (éthique), bouddhisme Mahayana pour lequel la libération est accessible non seulement aux religieux mais à l'ensemble des laïcs pratiquants (avec le concept de Bodhisattva) puis le bouddhisme Vajrayana avec les branches japonaises (VIIème siècle) & Tibétaines (XIème siècle) et l'utilisation des Yoga-tantra...

 

 

 

Le maître de l'ésotérisme japonais

le moine Kûkai

Kôbô Daishi, le "Grand Maître Kôbô" (nom posthume du moine Kukai) est le Saint fondateur du bouddhisme ésotérique japonais de l’école Shingon au neuvième siècle. Il est aussi une figure importante, voire incontournable, de l’histoire du Japon. Toute la culture et la civilisation japonaise furent influencées par son génie universel : C’est lui qui inventa les syllabaires phonétiques hirakana et katakana. C’est le Léonard de Vinci oriental. Il fut non seulement un moine fondateur d’une forme très intellectuelle de bouddhisme dans sa compréhension ultime, mais aussi un poète de génie. Il est l’un des trois plus grands calligraphes du Japon. L’imagerie populaire le représente souvent avec un pinceau dans chaque main et chaque pied, ainsi qu’un pinceau dans la bouche, écrivant des textes différents avec chacun. Durant toute sa vie, il manifesta une grande bienveillance et une compassion infinie. C’est pour cette raison, qu’aujourd’hui encore, il est toujours si populaire au Japon. Kukai, de part sa vie d'anachorète avant de se rendre en Chine, a largement contribué à la structuration du Shugendo. L'influence de ses disciples a fortement orienté ce mouvement populaire.

Kôbô Daishi est né le 15 juin 774, dans le village de Byobuga-mura, aujourd’hui appelé Zentsuji sur l’île de Shikoku, entre les villes de Takamatsu et Tokushima dans le Nord. Saéki Tagimi, son père, est gouverneur de province et appartient au clan des Saéki, l’une des branches de la famille Otomo dont l’origine remonte à celle du Japon. Cette famille produisit de nombreux hommes d’état, de philosophes, poètes enseignants et guerriers. Le futur Kôbô Daishi qui n’était pas encore le moine Kukai, se prénommait Maho à sa naissance. Il est le troisième fils ; celui qui doit devenir moine. Très tôt, il manifeste une intelligence remarquable; il est alors appelé Totomono (Le Précieux). On raconte que très jeune, il montre déjà une attirance pour la spiritualité. Il prend l’habitude de façonner des quantités de Bouddhas en argile pour ensuite les prier sur des petits autels de fortune qu’il fabrique de ses mains. A l’âge de quinze ans, se rendant à la capitale pour y étudier les « Classiques de la littérature chinoise », il croise des chasseurs qui abattent une biche. Le jeune Mahô en est profondément choqué et peiné… Il étudie sous la direction de son oncle maternel Otari Ato, précepteur royal du jeune Prince Iyo. A 18 ans, il entre au Collège pour étudier le Confucianisme avec le Docteur Okada. Durant deux années, il travaille brillamment avec assiduité, au point que sa famille espère le voir obtenir un poste élevé de haut fonctionnaire d’Etat.

La fin du 7ème siècle est marquée au Japon, par des changements politiques : le clan des Fujiwara prend le pouvoir par des alliances et l’empereur Kammu transfère sa capitale de la ville de Nagaoka à Kyoto. C’est la fin de l’époque de Nara et le début de celle Hieian (Kyoto). Ce renouvellement augmente les charges nombreuses qui pèsent sur le peuple qui souffrent déjà considérablement et augmente la misère générale. Etudiant les textes bouddhiques anciens, il ressent peu à peu que cette « philosophie de vie, de l’existence » contient peut-être les solutions aux problèmes essentiels de la vie des hommes. Malgré la forte opposition de son entourage, il quitte le collège et choisit la vie "d’Ascète Errant" (Ubasoku) pour approfondir sa foi par la pratique religieuse. Durant six années (2 fois 1.000 jours), il pratique l’ascétisme des premiers « shugenjas », recevant parfois des enseignements de ceux-ci. Il prie avec un déterminisme surhumain dans les grottes, au fond des cavernes, sur les sommets des montagnes, sous les cascades, près de la mer, sur l’ensemble du territoire japonais. A cette époque, le Mont Fuji entre en éruption ! Il a de nombreuses expériences mystiques comme par exemple, l’apparition du sabre des Bodhisattva Akâsâgarbha (Kokuzo) et Manjusri (Monju) sur le mont Tairyu dans la province d’Awa, sur l’île de Shikoku. Il a la vision de l’étoile de l’Aube (Vénus) lui entrer dans la bouche pour le transfigurer dans la caverne Mikurodô, au cap de Murotomi. A l’âge de vingt ans, il reçoit les dix préceptes du noviciat de religieux par l’Abbé Gonzo du temple bouddhiste situé sur le Mt Makinosan, à Yuwabushi-dera. Il va étudier des années dans les temples de Nara, les doctrines des écoles Ritsu, Kegon et Hôsso, courants bouddhiques de l’époque. Mais rien ne pouvait le satisfaire. Un jour, il fit un rêve, l’invitant à se rendre au temple de Kumédera. Après s’y être rendu, là il y découvre un texte, peu connu au Japon, rédigé en chinois et sanscrit : le sutra du Bouddha Maha-Vairocana (le Dainichi-kyo transmit par Nagarjuna). Malgré sa parfaite compréhension du chinois, il ne parvient pas à déchiffrer le texte, mais il en comprend cependant l’essentiel et s’aperçoit que ce texte est l’Enseignement qu’il cherche, le Mikkyo, l'enseignement profond du bouddhisme ! A 31 ans, avec l’appui politique de sa famille, l’aide de son Abbé et la somme colossale en or, qu’il a probablement trouvé dans les mines aurifères lors de ses déambulations avec les ascètes montagnards, il reçoit l’autorisation de se rendre en Chine afin d’étudier et de ramener au Japon le Mikkyo. Il rejoint la mission diplomatique qui doit partir en Chine pour vingt et un ans. Juste avant de partir, il reçoit la complète ordination de prêtre ainsi que son nom de religieux, Kûkaï qui signifie "Océan de Vacuité" ! Avant de s'embarquer sur l'un des sept navires, il croise le moine Saicho qui s'en revient lui justement de Chine... Lors de la traversée une énorme tempête détruira les six autres navires, ne laissant intacte que le sien... Puis la colonne doit parcourir plus de 7,000 kms à pied jusqu'à la capitale Lohan. Là il se met à étudier le sanscrit avec un maître indien du nom de Hannya durant 2 années.

 

Ofuda du moine Kukai provenant des temples N°61 à gauche, se reposant lors de ses déambulations et enfin dans la caverne du Mikurodo où il avala l'étoile du matin...

En mai de l’an 805, Kukai rencontre le maître de l’ésotérisme chinois, Keika Ajari, qui mourant l’accepte comme disciple et lui transmet l’intégralité (ou presque) de l’enseignement du bouddhisme ésotérique en un temps record. Il reçoit son nom de "Maître de la Doctrine Secrète", "Henjo Kongo", Diamant qui illumine tout! Keika Ajari a juste le temps de le sacrer 8ème grand Maître de la Doctrine avant de mourir et il lui demande de s’en retourner dans son pays afin de protéger la Doctrine. Comme on verse de l’eau d’un vase dans un autre, cette période de transmission de maître à disciple est intense.

A son retour au Japon, il va plus profondément que ses prédécesseurs dans les expériences et extases mystiques et il fonde la Doctrine japonaise de l'école Shingon (Parole Vraie), l’école des mantras. L’un des buts de cette école est d’obtenir dans cette vie avec ce corps-ci l’état de Bouddha (Sokushin-jôbutsu) par la pratique des « 3 Mystères ». Pouvant appréhender la Vérité de l’Univers, le pratiquant est censé pouvoir fusionner avec lui par le « triple-yoga » (tri-yuga) nommé Triguhyayoga

En 816, Kûkai reçoit la permission de l’Empereur Saga, avec lequel il a d’excellentes relations de créer un monastère dans les montagnes gelées de Koya san au sud d'Osaka. Saga Tenno fût le contraire de son prédécesseur. Ce dernier obtient à Kukai les fonds pour la construction d’un monastère dans les profondeurs du mandala situé au sud d‘Osaka, dans le Mt Gelé (Koya-san) !

Il avait eu connaissance de cet endroit lors de ses pérégrinations en tant qu'anachorète lorsqu’il du se rendre dans les monts Ominé. Le Mt Koya est situé, à deux jours de marche, à l’Ouest du village de Yoshino, l’entrée de la montagne du Shugendô.

Durant toute sa vie, le maître Kukai, faisant régulièrement le trajet entre Kyoto et Koya-san à pieds, oeuvra pour soulager le peuple de la misère. Ses qualités humaines et sa conduite exemplaire font de lui un modèle pour tous. Près du monastère Tôji, à Kyoto, il ouvre la première « université » pour tous au Japon; la célèbre Suchi-in Daigaku qui existe encore aujourd’hui. Il créé les syllabaires phonétiques Hirakana et Katakana permettant ainsi que le Japon prennent son indépendance culturelle vis à vis de la Chine des Tangs. Il compose l’un des premiers dictionnaires japonais et ses qualités d’ingénieur sont mises à contribution pour la construction d’un barrage formant un lac dans l’île de Shikoku. De nombreuses légendes lui sont par la suite attribuées et se répandent à travers tout le Japon, racontant ses exploits vertueux ou ses miracles. Son œuvre sociale est aussi intense que son oeuvre religieuse. Il écrit une foule d’ouvrages philosophiques et religieux. Il est aimé par la noblesse, l’ensemble du clergé et bien sûr surtout par le peuple; ce qui est toujours le cas à l'heure actuelle surtout dans son île natale de Shikoku. L'empereur et les Hauts Dignitaires de la Cour impériale lui demandent souvent de prier pour leur santé et la protection du pays, lors des périodes de sécheresse ou de grandes épidémies. Kukai est aussi un fin diplomate. Il donne au Japon, le génie qui lui permet de retrouver une identité propre en se libérant du joug culturel de la Chine. Son œuvre inspire toute la civilisation japonaise! Religieux, fondateur d’un nouveau courant bouddhiste par rapport aux écoles dites "anciennes" de Nara, poète, calligraphe, philosophe, habile politique, hommes de lettres, ingénieur et thaumaturge, Kukai laisse au Japon une empreinte indélébile. A 58 ans, il se retire des affaires publiques de Kyoto et s’installe définitivement à Koya-san. A 62 ans, en 835, il entre dans le Samadhi Eternel. On dit qu'il n'est pas mort et médite depuis 1,200 ans en attendant l'arrivée du Bouddha du futur: Maitreya.

En 921, il reçoit le titre posthume de Kôbô Daishi, le Grand Maître Propagateur de la Loi. Actuellement, il repose dans le mausolée Okunoin qui lui fut élevé au fond de la forêt de cyprès du Japon du cimetière de Koya-san, un lieu de méditation et de recueillement unique au Japon. Ce mausolée, protégeant son corps, n’est accessible qu'aux moines qui lui apportent son repas tous les jours depuis le 21 mars 835. Les croyants doivent s'arrêter dans l'édifice au niveau de la barrière! Tous les 25 ans, les abbés de Koya-san se réunissent pour lui changer ses vêtements et recueillir les anciens, qui mis serviront à confectionner des charmes et des amulettes. On dit que son corps est intact et qu’il continue de veiller sur les fidèles. Malgré les siècles, il est le plus aimé des moines bouddhistes par les Japonais. On continue d’invoquer son nom pour qu’il exauce les prières. Des temples lui sont consacrés et dans chacun des temples bouddhistes de l’école Shingon, une chapelle lui est toujours attribuée. Mais l’un des lieux où il est le plus prié est sans aucun doute son île natale de Shikoku, qui ressemble à un vajra à 5 pointes (gokko-sho, symbole du Bouddha Dainichi) et son pèlerinage des 88 temples* shikoku-hachiju-hakkasho (en fait 108 avec les bangai, les vingt temples subsidiaires) disséminés tout autour de l’île comme les graines d’un chapelet de cristal. En 1990, il m’est accordé de faire à pieds une première en tant que laïc, ce pèlerinage, chaussé de sandales en paille, long de 1500 kilomètres, à la rencontre du moine Kukai (que l’on appelle ici  Ô-Daishi-san). Je mis plus de cinquante jours pour en faire le tour, m’arrêtant uniquement dans chacun des 108 temples pour y prier. Le tour à pieds de l’île est plein d’expériences, de révélations et d'enseignements... 

calligraphie du temple Okunoin de Koya san

lettre sanscrite YU liée au bodhisattva Maitreya & au moine Kukai

Dès 939, Taira no Masakado menace l'autorité du gouvernement central, dirigeant un soulèvement dans la province orientale de Hitachi, et presque simultanément, Fujiwara-no-Sumitomose rebelle dans l'ouest. Cependant, la prise du pouvoir par les militaires était encore loin. Tous les disciples de Kukai ou de Saicho se rendirent ensuite en chine afin d'approfondir les enseignements de leurs maîtres respectifs...

 

Ofuda collection Prof Bernard Franck
Ennin (Jikaku Daishi) (794 – 864). Il se rendit en Chine de 835 à 847 et devint l'un des Patriarches du Tendai au temple Enryakuji sur le Mt Hiei. Il fut l'instigateur des pèlerinages et des Kaihôgyô Sanmon-ha

Enchin (Chishoo Daishi) (814 - 891)
Tendai-. De 851 à 858 il se rend en China et étudie tout spécialement le sutra et les pratiques du Vidyaraja Acalanantha (Fudo Myô) que nous allons voir dans l'autre conférence de cet après-midi...

De par son grand père paternel c'est aussi l'un des grands Maîtres de la lignée secrète du bouddhisme montagnard des monts Ominé. Il en restaure les pratiques en montagnes et fonde le temple Onjôji (Miidera) dans la vile voisine de Kyoto à Otsu.

Shûei (809 - 884)
Shingon. C'est le Prince Shinnyo Hôshinnô qui se rendit en Chine de 832 à 865. Il devint le supérieur du temple Tôji à Kyoto

Liste « Shinshosha Shôrai Hômontô Mokuroku"

 

Après l’exemple des ascètes tels qu’En-no-gyoja ou Hachiko-no-Ôji, les religieux bouddhistes fondateurs des écoles Shingon et Tendai (les moines Kûkai et Saïcho) puis leurs disciples tout au long des siècles qui suivirent avec les moines Shôbo, Enchin et Zôyô imitèrent les ascètes dans leur démarche spirituelle, comme pu le faire, avant, le Bouddha historique Siddhârta Gotama. Ensuite, il est naturel que leurs exemples fussent repris par une foule de religieux qui voulurent pratiquer l’ascétisme afin de revivre l’expérience bouddhique par eux-mêmes ou bien de faire à leur tour le voyage shamanique. On le sait grâce à leurs "biographes" qui léguèrent des écrits à la postérité. Cela fut le cas du Saint homme Matsuo pour le mont Fuji, de l’archevêque Nichizo de l’an 693 à 767 au mont Yoshino. De 831 à 918, vécu l’ascète moine Zôhô qui construisit le pavillon des ascètes sur le mont Hiei, le célèbre Mudôji. Il est le premier des religieux à accomplir l’ascèse de la marche autour de la montagne durant une période de mille jours. L’ascète Haségawa Kakugyo (1541-1646) qui réouvrit en 1572 le mont Fuji aux pratiques ascétiques. Il y eu le saint Nansei (1552-1611), le célèbre moine-sculpteur Enku (1632-1695) et le moine Fukan (1731-1801) qui pratiquèrent des mortifications dans les montagnes du centre du Japon, les Alpes japonaises de la région du Chûbu. Parmi les « mokujiki-gyoja » de Kumano, il y eut, à la période Edo, le yamabushi Mongaku, les moines Gyodo (1718-1801) et Tokuon (1756-1818), ainsi que le yamabushi Hayashi Jitsukaga à l’ère Meiji (1843-1884). Il existe à ce propos un ouvrage excellent en japonais, écrit par l’ethnologue française, spécialiste du Shugendô Anne Buchy qui est professeur à l’université de Toulouse. C’est un ouvrage admirable dont la parution en langue française dans les cahiers de la société asiatique fut à la source de mon départ au Japon, sur les traces de Jitsukaga… Le yamabushi Mongaku est connu pour le portait que fit de lui le célèbre peintre Hokusai, lorsqu’il méditait sous la cascade de Nachi, d’où la cascade de Mongaku, en contrebas de celle de Nachi.

 

Les Maîtres des traditions bouddhiques de l'ésotérisme sont avant tout des Pratiquants: qu'ils soient d'obédience Shugen, Shingon, Tendai, Zen, Amidiste... ils ont tous sans exception chercher à remettre la pratique méditative originelle du bouddha historique Sakyamuni au centre de leurs préoccupations religieuse quotidienne en refaisant l'expérience d'un bouddha.

QUESTIONS /REPONSES

 

Fin de la première conférence du 18 juin 12h30

 

 

 

2) Les divinités Courrouçées, symbolisme, rites & pratiques 14h30

 

 

 

 

 

 

 

2) Les divinités courroucées, symbolisme, rituels et pratiques : 14h

(texte intégral original prévu pour l'intervention mais dont je ne me suis servi que pour moitié)

 

Merci d'être à nouveau d'être présents cet après-midi du 18 juin parmi les trésors innombrables du panthéon bouddhique japonais du musée Guimet.

 

Je voudrais tout d'abord vous expliquer à quelle forme de bouddhisme appartiennent ces « divinités courroucées » ou Vidyarajas en sanscrit, MYÔ en japonais, traduit par "Roi de Science" plutôt que "Lumières en colère" .

 

Le bouddhisme exotérique est celui qui fût enseigné par le Bouddha historique Sakyamuni, Siddhârta Gotama dans son corps d’apparition, le bouddha historique en état de Nirmanakaya. Alors que le bouddhisme ésotérique, nommé « Véhicule Secret » dès son introduction en Chine (Mikkyo) est l’exposition de la doctrine par le Bouddha universel Maha-vairocana (Dainichi Nyorai) lui-même en tant que représentation du corps d’enseignements, Dharmakaya. Tous les maîtres ont démontré que la doctrine ésotérique du bouddhisme se trouvait déjà dans les textes anciens, mais les « premiers auditeurs, les Arhats » du Bouddha (moines Theravada du Bouddhisme des Anciens) ne perçurent pas l’Enseignement Profond ou Enseignement Secret.

La notion d’ésotérisme n’est pas intellectuelle. Elle est inhérente à la pensée profonde de chacun des êtres. Originellement, l'être possède déjà cette connaissance, mais son esprit/cœur se trouve obscurci par les passions. Il s’agit pour le méditant d’en prendre conscience par la pratique du Triple Mystère : unité de pensée, de parole et d’action  liée aux mandalas, mantra et mudra.

Les passions étant de même nature que l’Illumination (bonno soku bodai) dit l'ésotérisme vajrayana nippon, il n’y a aucune nécessité à vouloir progresser graduellement durant de nombreuses vies. Plus nous chercherons à couper les racines des principaux obstacles (désir, aversion, colère, aveuglement, jalousie, colère) plus nous nous éloignerons du chemin car l’homme privé de ses « pasions » ne sera plus humain  et la Voie sera longue …

Il faut transcender et transmuter, comme on extrait le remède du poison. Il suffit pour cela de cultiver les six vertus qui sont  la charité, la diligence, l’éthique, la patience, la concentration et la Connaissance Vraie (sagesse). Pratiquer une unité entre la pensée, les paroles et les actes, tout cela avec Compassion, pour que s’ouvre le royaume de Bouddha maintenant !

 

L’obscurité n'est une absence de Lumière et cette Lumière véritable est la Connaissance Profonde, cachée, difficile d'accès du Dharma, le Précieux Joyaux dans le Lotus !

 

Le panthéon de Guimet possède toute une série de statues qui misent ensemble constitue un mandala unique en trois dimensions. Mais auparavant définissons ce qu'est un mandala et les concepts majeurs autour qui sont inhérents à sa compréhension intellectuelle.

 

Le mot japonais pour mandala est mandara. Le mot sanscrit « mandala » a pour signification "cercle, globe, rond, circulaire, cercle magique, disque solaire ou lunaire, halo, groupe, multitude, masse, association, société, province, district". Les idéogrammes pour l’écrire en chinois signifient plate-forme ou terrasse. D’un point de vue pratique, il veut dire endroit pour le culte ! Et au point de vue du sens, on peut le traduire par « ensemble formé quand toutes les parties sont au complet ». En sanscrit le mot mandala a le sens de « baratter la crème du lait » pour fabriquer le beurre fondu. Il désigne la partie supérieure du beurre fondu, celle qui est la plus pure, la plus exquise ! Cette partie est inaltérable, aussi l’appelle-t-on « solide ». Le mandala traduit l’ensemble formé par les vertus du Bouddha cosmique Maha-Vairocana. Il se compose de toutes les images des divinités qui sont chacune le symbole d’une des innombrables vertus du bouddha. C’est en faisant du mandala un objet de méditation que ceux qui s’entraînent aux pratiques religieuses ouvrent « le pur cœur de bodhi » qu’ils portent en eux. Le terme mandala signifie aussi « faire naître ». A l’origine, il servait de support méditatif au pratiquant de yoga. Le mandala, c’est aussi la pensée intérieure, la pensée du Bouddha !

Les mandalas se classifient selon quatre familles:

1) le mandala des éléments (Mahabutha-mandala)

Il représente tous les Bouddhas, bodhisattva et autres déités dessinées et peintes avec les cinq couleurs fondamentales (jaune, rouge, vert, bleu et blanc). statues , peintures, le méditant y effectuera des rites d’offrandes

2) Le mandala du vœu fondamental (sanmaya mandala)

En sanscrit sanmaya signifie « convention », en japonais on rend ce mot par  fondamental. C’est un mandala où sont représentés les attributs des divinités (roue du dharma, glaive de sapience, trident, lotus, foudre,…) qui caractérisent le vœu fondamental des ces dernières. C’est le mandala employé lors des onctions.

3) Le mandala de l'enseignement, Dharma mandala ou Bija-mandala . Il doit son appellation au terme qui signifie la vérité exprimée par un signe. Ce mandala représente chaque divinité selon la lettre sanscrite qui la définie. Ce mandala est surtout employé lors des méditations en solitaire, comme celle sur la lettre A , l’Ajikan du Bouddha Dainichi, ou bien lors de travaux méditatifs d’identification spéciale comme avec le « Kamman » du bouddha courroucé Fudo.,…

4) Le mandala des Actes, karma mandala qui signifie  activité. Ce mandala, qui représente les divinités debout ou assises, est souvent réalisé avec des statues. Il représente les bouddhas en relief, soit en bois ou en métal.

Le bouddhisme montagnard du Shugendô a développé un aspect particulier de ce mandala, puisque c’est la montagne entière qui devient ce karma mandala :

« Le Pic de L’Ominé est le temple pur des deux sections des 2 grands mandala (Plans du Diamant et de la Matrice). Il est le ‘mandala originel non créé’. Les sommets boisés sont les autels parfaits des neuf assemblées du Plan du Diamant. Les cavernes aux herbes odorantes sont les lotus à huit pétales du Plan de la Matrice. Montagnes, rivières, arbres et plantes sont le corps véritable de Dainichi Nyorai. Le vent des cimes, le grondement des vallées, proclame la Loi du corps d’Essence. Les vénérés des trois sections (vajra, padma et ratna) sont tous alignés en bon ordre. Les admirables Bodhisattvas sont aussi alignés de façon admirable. Les nombreux sommets sont le mandala naturel où l’on applique les trois mystères ».

Texte du « Shugendo Hattatsu » de Murakami Toshio, tiré du « Buchu-shôkanjo-heihaku » (exposition de l’Onction correcte lors du pèlerinage de l’entrée en montagne).

 

Un autre texte exprime des sentiments analogues et de façon tout à fait lyrique : 

« L’Ominé est la terre sacrée où le vénéré Sakyamuni expose en permanence la Loi. Il est la terre où réside en permanence le Bouddha Maha Vairocana, Roi d’éveil éternel. Montagnes et rivières, arbres et plantes, indiquent par eux-même la Raison Profonde (shinri) du caractère vrai (jusso) et du chemin du Milieu (chudo). Les falaises rocheuses, les vertes cavernes, montrent le Substantiel merveilleux des quatre mandalas. En vérité c’est le temple merveilleux du Véhicule Unique du triple Mystère. » (Aka-hyobyaku, prière pour l’eau liturgique) ».

 

Kôbô Daishi explique dans son traité  « Shokushin jobutsu-gi » (traité sur la façon d’obtenir l’état de bouddha immédiatement avec ce corps), la raison d’être de ces quatre variétés de mandalas : «Tous les Bouddhas ont tous trois types de corps ésotériques, à savoir  l’Aksara, la Mudra et la Pratikrti. L’Aksara (méditation sur la lettre sanscrite A, méditation de base de l’école Shingon) est le Dharma mandala. La Pratikrti est le Mahabutha-mandala. La mudra est le Sanmaya mandala. Quant aux actions et attitudes propres à ces trois types de corps, c’est le Karma mandala ! Le bija mandala est l’essentiel du Samadhi du bouddha en Dharmakaya. »

 

On ne peut comprendre les mandala si l'on ne sait rien au sujet des mantra (paroles de vérité) et des mudra, gestes symboliques exécutés avec les mains puisque les trois vont ensemble. Bon nombre de statues bouddhiques exécutent des gestes de mains.

 

Ce terme indien « mudra » (shuin ou bien inzô) a en Inde un sens général ; alors que se terme traduit en japonais « shu-in » ou « inzô » signifie « sceller un contrat ».

«Lorsque la pensée vraie (kannen) trouve son expression grâce aux mandala, et à la parole vraie (shingon) et que le geste exacte (shu-in) atteste cette harmonie, le Triple Mystère (sanmitsu), clef de la doctrine ésotérique, se révèle et permet l’illumination dans cette vie avec corps » comme le prône Kukai dans le Shokushi jobutsu-gi. Les mudra sont des gestes consistant à entrelacer les doigts afin que ceux-ci arrivent à former des lettres sanscrites anciennes (senzar brhama-bhasya) ou bien imitant le caractère fondamental de certains attributs (comme le sabre, lotus, arc,.). Certaines mudra sont censés posséder un pouvoir intrinsèque à leurs formes. Le moine s’identifiant avec l’idée sous-jacente que le geste exprime. L’onde de forme émanant du geste matérialise le pouvoir de la vertu du Bouddha. Ce langage gestuel est très proche de l’ancien langage des anciens prêtres égyptiens, le Neter-khari !

Dans la théorie des mudra, la main droite symbolise le mandala du plan du monde l'esprit (kongokai) alors que la gauche est le plan de la matrice (taizokai), le monde phénoménal. Chaque doigt de la main correspond à l’un des cinq éléments et à des bouddhas particuliers. Le sutra du bouddha Dainichi Nyorai dit à son propos :

« Les mudras mystiques sont une des manifestations du niveau de concentration (Samatha) des bouddhas. Lorsque le pratiquant fait la consécration de lui-même au moyen des mudra mystiques du bouddha, il s’assimile au Dharmatu (Plan d’Essences). Si le bodhisattva en pare son corps, même s’il réside dans le Samsara et circule à travers les êtres mal famés « gati », il est signalé dans les Grandes Assemblées de tous les Bouddhas par cette grande bannière. Tous les Deva, les Naga, les Yaksa, les Gandharva, les Ashura, Les Garuda, les Kinnara, les Mahoraga, les êtres humains et non-humains, l’adorent  alors et tournent autour de lui pour recevoir leurs instructions et les mettent en pratique ».

Il existe plus de trois cent mudra qui symbolisent, soient les vœux fondamentaux, soient les parures et attributs. Le sutra de Dainichi les classe en deux catégories : les Ingyo qui concerne les sceaux de doigts et les Mugyo-in . Dans ce dernier cas, on entend par « sceaux » tout ce qui est de nature à former un lien : récitations de mantra, visualisations et consécrations.

Dans le sutra du Diamant (Kongocho-kyo) sont mentionnées différemment 4 types de mudra :

1) Ceux liés aux actes des bouddhas

2) Ceux liés aux vertus, sentiments, vœux des divinités

3) Ceux qui expriment l’essence des mantras

4) Ceux qui symbolisent les attributs portés par les divinités

 

Un autre point délicat est la compréhension des trois « corps » du Bouddha car les divinités courroucées sont liées à ces trois corps...

 

A la question, que subsiste-t-il du Bouddha après son Nirvana ? Les bouddhistes anciens du courant Theravada ont répondu : Un corps de Doctrines (dharmakaya) enseigné par lui et légué à la communauté. Mais les bouddhistes du courant Mahayana ont affirmé par la suite que ce corps était le Corps d’Essence des choses. En reconnaissant un corps universel et essentiel, la vision mahayana concilie la croyance en un seul bouddha (identique à la Réalité Absolue) et en celle d’innombrables bouddhas apparaissant dans le temps et l’espace. Seul « le corps d’apparition » (nirmanakaya) prit naissance ici-bas, tandis que le « corps d’essence » (dharmakaya) universel restait immuable. Les sutras postérieurs, appartenant au courant du Mahayana, expliquant toutes ces théories, ne furent pas récités lors du premier concile (4880-475 av JC) car leur sens profond ne pouvait être saisi à cette époque. En outre, grâce à la distinction des trois corps, on comprend que le Bouddha, toujours parfaitement quiescent en sa véritable essence, puisse exercer une activité ininterrompue en ce monde. Universel, spontané, béatifique, le « corps d’essence » se révèle à travers la conscience de tous les êtres. Il subsiste éternellement, qu’il y est ou non un Bouddha incarné. Il n’est autre que l’Ineffable Domaine absolu (autre qualificatif pour Dharmadhatu). Fondement ultime de l’existence, il est inconcevable aux logiciens.  ‘Pure Ainsité ‘, il ne peut être perçu que par les « trois mystères» (sanmitsu) du bouddhisme ésotérique.

Le « corps d’apparition » (ou de métamorphose) est une projection ici-bas du « corps d’essence » en vue d’accomplir les actes propres à la carrière d’un Bouddha. Ainsi pour Sakyamuni, sa naissance en Inde, son Eveil, sa prédication, son extinction ne saurait être absolument réelle. Ce « corps physique de naissance », simple apparence, n’est qu’un pur et simple artifice du Bouddha pour manifester sa grâce et libérer les êtres. Certains se convertissent durant sa vie, d’autres après son extinction, il feint d’entrer en nirvana afin que la douleur les pousse à se convertir. A ce corp appartionnel vient s’ajouter un second corps intermédiaire dit «  Corps de Jouissance » ou "Corps de Béatitude", corps mystique ou corps pour communier (Sambhogakaya) qui étend aux « bodhisattva des dix terres » le bénéfice des perfections et des connaissances surnaturelles des Tathagata/Bouddhas. Ce corps mystique revêt des formes variées qu’appréhendent par leur intuition les bodhisattva absorbés en Samadhi* (Vajrasattva, En-no-gyoja, Kûkai,…). A ce ‘Corps Glorieux’, porteur des trente-deux marques saintes, un bon nombre de traités du mahayana font allusion. Le bouddha manifeste le Nirmanakaya par la pureté du Samadhi, le Sambogakaya par la connaissance et la sapience et le Dharmakaya (troisième corps, dit Corps d'Essence) par l’expérience du ‘triple mystère’ que révèle le bouddhisme ésotérique. La doctrine du bouddhisme ésotérique nippon est l'enseignement du Bouddha Universel en corps d'Enseignements justement.

*samadhi = Etat de Pure Concentration

Par son Corps d’Essence (Dharmakaya), le bouddha est la réalité ultime et jouit de l’omniscience. Il se montre aux univers par son corps de manifestation (Nirmanakaya) et c’est par son Corps de Béatitude (Sambhogakaya) qu’il se révèle aux ‘Grandes Assemblées’ de Bodhisattva. Mais si les deux premiers corps sont perceptibles par nos sens purifiés, le Corps d’Essence ne peut être perçu que par le « triple mystères ». Pour le connaître, il faut être un Bouddha soi-même ou avoir reçu « le sacrement de la triple onction », ce qui fait dire aux pratiquants du bouddhisme Vajrayana japonais des écoles du mikkyo que leur doctrine est la plus profonde entre toutes.

 

Au début du Moyen-âge au Japon, le moine Kukai écrit dans son livre intitulé: «La clef secrète qui ouvre le magasin des mystères » (Hannya shinkyo Hiken) :

«Buppô wa haru kan arazu shinchu ni shitté, sunawachi shikashi, Shinnyo okani, arazu myo sutété, izuko ni ka, moto mem, mégo waré ni aréba, hashin suréba, sumachi, itaru mé han hokani, arazaréba shinshu suréba, tachi machi ni shosu ». (L’enseignement du Bouddha n’est pas loin, mais demeure en votre esprit, tout prés ! Ceci est Shinnyô, l’Ainsité ! Où peut-on trouver cet enseignement si ce n’est grâce au corps ? Ignorance et Illumination, je les possède originellement en moi ! Et si votre formulez votre souhait assez fort, vous obtiendrez une réponse !) Ombre et lumière proviennent de votre esprit ! Si vous pratiquez l’ascèse, vous obtiendrez les réponses cherchées ! Il est préférable de se connaître soi-même que de marcher longtemps ! Il est préférable de regarder les joyaux qui sont à l’intérieur de vous, que de regarder ceux extérieurs à vous ! Si vous désirez pratiquer l'ascèse, vous devez d’abord soumettre les démons ! Le glaive de Sapience (Riken) est partout pour tuer les brigands et les hordes de Mara, pour briser le château de l’armée des démons ! Une fois atteint, l’esprit devient Roi ! Cet esprit devient le centre d’une conscience supra mondaine dans laquelle vous êtes plongé pour toujours ! Dans l’esprit de nombreuses passions (bonno) existent, comme d’innombrables grains de poussière ! Nettoyez ! Purifiez ! Retrouvez l’état Adamantin, c’est retrouvez l’état de la Mère Nature !

Regardons plus avant le magnifique mandala en trois dimensions ramené par Emile Guimet. C'est la réplique parfaite à l'échelle 1/3 de celui dans le grand Tôji qui se trouve à Kyoto. Ce temple fut érigé à la demande de Kukai mais fut achevé après sa mort malheureusement. Le bâtiment fait 35 m de long plus de 10 mètres de haut, Il est censé protéger le Japon dans son ensemble. Pour Guimet très féru d'ésotérisme, cela ne pouvait passer inaperçu... Sa requête afin que soit traduit le manuscrit des 4 rituels de base de l'officiant du mikkyo (Sin do inzou/ Shidô InShû) montre une nouvelle fois son intérêt pour l'occulte nippon.

la partie des Courroucés

 

les parties centrale des 5 Bouddhas universels et des bodhisattva de Diamant à droite

Face au Godairikki mandala (mandala des 5 grandes Forces) du temple Tôji, montrant dans la partie centrale la Nature Propre/Originelle des Bouddhas, nous avons au centre le Grand Bouddha Resplandissant DAINCHI NYORAI éxécutant le mudra du sceau d'union ckiken-in kongokai ou Maha-mudra. Au terme de l'ensemble des stades incarnés par les 4 grands bouddhas universels en « corps de connaissance » (dharmakaya) qui précèdent, maîtres & dispensateurs chacun d'une connaissance spécifique, le pratiquant parvient au cercle central où siège le Grand Vairocana possesseur de la plus haute et de la plus totale des Connaissances, dite  du « Substanciel de la Nature Propre ».

Ofuda deDainichi Nyorai du Kongokai mandala en grand mudra d'Union Ckihen-In,

temple N°61 du pèlerinage des 88 temples de l'île de Shikoku, Japon

 

Les 5 grandes Connaissances des « Bouddha Grands Flamboyants/Resplendissants » (nyorai) sont en rapport avec les 5 éléments du stupa: terre (prthivi-dhatu), eau ( ap-dhatu), feu (tejo-dhatu), air ( vâyu-dhatu) & éther (âkasa-dhatu).

 

A l'Est se trouve le bouddha ASHUKU /Akshobya; au sud le bouddha HÔSHO / Ratnasambhava; à l'ouest le bouddha AMIDA /Amitayus / Amitabha / Mûryoju et au sud le bouddha FUKÛJÔJU / Amogasiddhi.

 

Ce mandala ne serait pas « activé » s'il n'avait à sa partie de droite constituée de 5 autres divintés qui ne sont pas présentes dans l'original du Tôji mais que Guimet parvint à commander après s'être fait expliquer son importance: c'est la partie des bodhisattva du Diamant/Foudre liées aux Vertus Indestructibles du Bouddha qui enseignent la Vraie Loi.

Au centre se trouve Kongô-haramitsu, à l'Est nous avons Kongôsattva (vajrasattva en sanscrit) au sud, Kongôhô (premier joyaux adamantin), à l'Ouest Kongôho (seconde Essence Adamantine) et au Nord Kongôgô

Ces cinq pièces rajoutées viennent du mandala reprèsentant le monde phénoménale, nommée mandala du Plan de la Matrice ou Taizokai.

 

A notre gauche, à la droite donc du bouddha Dainichi se trouve la partie des courroucés constituée de 5 divinités majeures qui nous intéressent tout particulièrement aujourd'hui. Elles montrent un aspect irrités car elles sont en colère vis à vis des bouddhistes qui s'écartent quelque peu de la Voie. Ils en existent des dizaines mais ces 5 là sont dites majeures car très importantes dans la compréhension du fonctionnement de l'esprit. Vidyaraja en sanscrit ou Myô en japonais signifie Autorité ou Roi de Science.

 

Au centre, assis sur sa dalle de granit, entouré de flammes et brandissant une épée se trouve Fudo Myô, l'Inébranlable ou « Diamant Inaltérable »!

Fudo Myoo du temple N°54 du pèlerinage de l'île de Shikoku sur son roc. Fudo myoo debout reéalisé à partir de la calligraphie religieuse Bonji KANMAN du temple N°36. A droite c'est le Fudo assis sur sa dallle de granit du temple N°45 du pèlerinage de l'île de Shikoku.

Fudo myo est l’un « des cinq Rois de Science » présents dans les deux grands mandalas Kongokai & Taizokai. Il représente le « corps secret » de Dainichi nyorai, comme les quatre autres rois de science représentent les quatre autres bouddhas entourant le bouddha suprême Dainichi au centre. Son culte fut particulièrement recommandé par le moine Shobo. fondateur du temple Daigoji et le maître Enchin qui se rendit étudier ses rites et pratiques en chine durant six années. C’est la divinité qui possède le plus grand nombre de temples élevés en son nom au Japon, près de 400 ! Il existe trente trois Rois de Lumière (de Science) mais les plus connues forment un groupe de cinq dont Fudo Myoo est le chef ! Leur aspect physique est terrifiant. empli de symboles, il est nécessaire de savoir les décrypter afin de comprendre les messages dont ils sont porteurs.

 

Cette dispostion aux quatre coins cardinaux est la disposition au sein du mandala de la matrice. Les variétés de Fudo Myo sont nombreuses. Il peut être assis au centre d’un lotus et représente l’esprit du Bouddha. S’il est debout ou marchant comme dans la statue en face (musée guimet), il représente l’Action du bouddha cosmique et les moyens mis en œuvre pour convertir les êtres . Fudo assis sur sa dalle en granit représente sont état de concentration.

 

FUDO MYÔ NIDÔJI! C'est une statue de Fudo (Acalantha) debout, hauteur 120 cm, yeux ronds symétriques et ligature de la natte sur l'épaule gauche en sept comme le nombre de cakkra. Il est le protecteur des métiers à haut risques. Seitaka & Kongara sont ses principaux serviteurs qui sont au nombre de 36. Le Fudo debout est le Fudo en action car il est prêt à marcher, le poids de son corps reposant pour 70% sur une seule jambe prêt avancer l'autre. En fait, dans un temple cette statue devrait être beaucoup plus élevée que les personnes debout en face. Le sculpteur, pour un rendu maximum y a pensé au Japon. Cette statue se trouvait probablement dans un temple Shugen. )

 

 

Messager du bouddha Dainichi, il en est le corps ésotérique. Son aspect courroucé symbolise le combat de lumière contre l’ignorance ! Dans le Maha-Karuna-Garbadhatu mandala, le quartier du karma du mandala du Plan de la Matrice (Taizokai), Fudo Myo se trouve dans le quartier des Vidyaraja, au-dessus du seigneur des mantra Vajrapani. Assis sur un rocher qui symbolise le mont Sumérou ou une dalle qui signifie d’immuabilité, il se tient immobile. Son nom secret est Jôju Kongo « Diamant Inaltérable ! Dans la main droite, il brandit le glaive de Sapience (Ri’chi’ken) et tient dans la gauche la corde (le kensaku) lestée qui rammène les individus dans le droit chemin. Sa couleur de peau est d’un bleu noirâtre, couleur de l'espace. Des flammes jaillissent de son corps et de son glaive, l’entourant d’une aura rougeoyante. Son front est plissé tel des vagues, sa chevelure tissée en une natte, pend sur l’épaule gauche. Son regard, d’une fixité perçante, possède un œil droit, bien ouvert, qui regarde vers le haut, alors que le gauche est dirigé vers le bas, indiquant de ce fait que son pouvoir s’exerçe aussi bien dans les mondes sub-humains que supra-humains. Sa bouche est fermée, canines inférieures dirigées vers le haut, mordant la lèvre supérieure et celles de la mâchoire supérieure sont dirigées vers le bas, indiquant sa ferme résolution quant à aider à sublimer les passions, en broyant les obstacles sur le sentier entre ses dents. Dans «  le quartier du Savoir », il est le détenteur de la Connaissance du ‘mantra secret’. Personnification de l’Autorité des Bouddhas, il montre la colère paternelle de la Compassion. C’est la divinité principale du temple Shogoin-Monzéki et de bon nombre de temples au Japon. Les avatars de Fudo comme Izuna Dai-Gongen (mi-Fudo, mi-gobelin à voir plus loin dans le panthéon de Guimet) représenté sur le dos d’un renard blanc, divinité gardiennes des monts Takao et Togakushi), Kurikara Ryuo (dragon entourant le glaive enflammé, symbole de l’épée de Fudo) ou les huit Grands Roi-Dragons, Hachi Dai-Ryu-O, sont fortement priés dans les ascèses de l’eau ; ablutions dans la mer et les rivières (mizugyo), sous les cascades (Takishugyo), et les cérémonies du feu : Oblations rituelles ou marches dans le feu sur un lit de braises ardentes, ou dans les flammes (Kassyo-zanmai).

 

Autres conographies du panthéon de Guimet:

SUIJIN-NÔ-FUDÔ SON: Précieux Saint Fudo Gardien des Eaux; bois noir et doré; hauteur 26cm largeur 15cm, monté sur la tête d'un dragon nageant en sortant d'une grotte marine. Ses cheveux non liés sont à la manière des gongen qui subjuge! C'est une figure importante et exceptionnelle du Shugendo de Kojima pres de la ville d'Okayama.

 

GODAI MYÔ: 60cm hauteur 34 cm largeur, représentés dans une grotte lieu d'entrée en état de concentration; les vagues sont celles probablement soit d'une cascade ou des vagues devant la grotte mikurodo

 

FUDO MYÖ HACHIDAI-DÔJI: la chapelle de Fudo avec ses 8 principaux acolytes. Hauteur 38 cm largeur 23 cm. A noté la cascade qui sort du rocher (banjaku) sur lequel est assis Acala...

 

FUDÔ SHICHI-SON: chapelle des 7 vénérés, à partir de de la gauche, Sakyamuni, Monju, Fugen puis FUDÔ au centre et à partir de la droite, Yakushi, Amida et Dainchi. 1845, les Saito Uemon, une famille guerrière du clan des Fujiwara qui a demandé la dédicace suivante, ayant mis sa confiance en la puissance tutélaire des ces 7 Vénérés : « Durable fortune des armes; tranquillité de la maison, longue vie ».

 

KURIKARA FUDÔ: chapelle de 95 cm hauteur, 34,5 cm largeur;

dragon, force de Fudo, entourant une tsurugi qu'il fait jaillir de sa bouche. Feu de kundalini. C'était une représentation très prisée chez les samurai et qui l'est toujours chez les guerriers et yakuzas.

 

 

Voilà ce que raconte le court texte bouddhique SEI-FUDO KYO ou Shô-Fudo-kyo, (sutra du Précieux Fudo) est un texte japonais à propos des vertus du sabre de Fudo et de sa bénédiction, Fudo no ken-mon et Fudo-kaji-mon.

«"L’Immuable Corps secret du Bouddha"…etc...(Le texte continue jusqu’à : "Rocher de la Porte des dieux", par une liste de noms concernant Fudo qu’il faut lire)… Un lotus blanc sur le sommet de la tête, il est assis fermement sur un rocher nommé KANMAN, les lettres sanscrites de son nom. Il a un grand feu dans le dos. A sa gauche et à sa droite se trouve les "trente-six enfants/serviteurs de diamant" (Sanju-roku-dôji) qui le protègent. Extérieurement, il montre la vertu du feu et semble irrité mais intérieurement, il possède le calme cœur de compassion inaltérable qui ne s’effraye jamais. Ses yeux sont en relation avec le soleil et la lune. De sa bouche sort les deux sons A et Hun. Les crocs sont en rapport avec l’harmonie du ciel et de la terre. Son corps, de la couleur de l’espace intersidéral, est le mandala de la toge bouddhique à neuf bandes (kujo-késa) Sa main gauche tient une corde, lovée en trois anneaux  et sa main droite tient le sabre de Sapience à double tranchant, Riken, sabre de « la Raison Innée et de la Sapience » jointes ensemble. Nombreux sont les dieux qui ont élu demeure à l’intérieur de ce sabre ! : La pointe (boshi) du sabre est  Iwashimizu-Sho-Hachiman-Daibosatsu, le dieu protecteur à la guerre et durant les combats. Le tranchant et la partie enflammée (Akiba) est le dragon de sapience lové autour du sabre, Kurikara Ryu-Ô. La garde du sabre (tsuba) est la pleine lune. Les ornements (Fushi-kashira & tsuka kashira) sont le yin et le yang. La poignée et bague de serrage (Tsuka et habaki) sont les lettres sanscrites qui s’imbriquent les unes dans les autres comme le A et le Hun. La droite et la gauche de la Tsuka-boshi, les deux tranchants allant de la garde à la pointe qui représentent deux fois trente centimètres donc soixante centimètres en tout, montrent qu’il existe plus de soixante dieux qui ont élu résidence dans ce sabre, comme à l’intérieur du Japon où plus de trois cent soixante quarante temples lui sont dédiés ! Si Myôjô est l’étoile de Vénus du matin, l’étoile de Fudo, visible la nuit, est nommée l’étoile des parents, Oyasamé….

 

/…Sho-Arasawa Danichi-Daisho Fudo-myo En-nimié, fuyez et que les démons se prosternent  Kamman boron et les souhaits seront exaucés ! Ka man boron, et pas d’accident dans les familles : Kamman Boron, que les soucis et les malheurs disparaissent : Kamman boron ; que les maladies soient chassées : Kamman boron ! »

Voilà comment se termine ce court texte sur Fûdo Myô

 

 

Un autre texte japonais demande la bénédiction/protection du Précieux Saint Fudo.

«La « pure Clarté » est le principe naturel céleste. Le fait que tout sur terre soit en proie à la confusion est le principe terrestre. Sur terre de nombreuses sont entremêlées, comme le yin et le yang, pour que surgissent toutes ces choses. Mais dans chacune d’entre elles demeure Bussho (graines de Bodhi) Bussho est la Nature du Bouddha. C’est pour cela que les hommes se réfèrent à la morale (bouddhique) afin que le corps devienne « bon ». Ici à présent, à l’endroit du lotus blanc à huit feuilles, regardant aux travers du corps aux vingt-huit constellations (niju-hachi shuku), nous parcourons le chemin. A présent, les pratiquants prient et vénèrent : Aucun feu ne peut les brûler ; aucune eau ne peut les étouffer ; aucun sabre, aucune armée ne peut les vaincre. La vie dure cent automnes et même à l’âge de cent ans, ils peuvent encore voir l’automne.

Dans sa tête se trouve le bouddha Dainichi Nyorai portant la coiffe des cinq sapiences. Ces cheveux sont le Roi-dragon Kurikara Dai-Ryu-o. Son front est la triade du Bouddha Amida (Amida Sanzon). A gauche le Bodhisattva Kannon, à droite le Bodhisattva Seishi, au centre Hachiman Daibosatsu. Le nez est le Bodhisattva Fugen. La bouche est le bouddha Yakushi avec ses douze dieux, les douze vœux du Bouddha de médecine Yakushi. Le foie est Gozanzé Yasha Myô . Le cœur est Gundari Yasha myô . Les poumons sont Kongo-Yasha- myô ; la rate est au centre Dainichi Dai-Sho Fudo Myô (le Précieux Bouddha Dainichi sous sa représentation de Précieux Fudo). L’estomac est le grand Bodhisattva Monju (Manjusri en scrt). L’épaule gauche est le grand Bodhisattva Kanzéon (Avalokitesvara). L’épaule droite le grand Bodhisattva Seishi. Les muscles dorsaux sont le grand Bodhisattva Jizo (en sanscrit Kristagarbha). Les hanches sont Shin-En-Dai-bosatsu, le grand Bodhisattva dont le corps est un lien. La jambe gauche est le grand roi Kujaku et la droite est le grand roi Aizen. Toutes les entrailles, les os, les muscles, l’énergie vitale (ki), les artères et les veines, la peau et les chairs ainsi que les poils, les dents, les ongles et les quatre-vingt quatre milles (infini) pores de la peau sont tous protégés par des divinités.

Pour les « dures et mauvaises choses » : Les dieux porteurs de maladies, les esprits maléfiques, les huit grands Konjin qui demeurent dans les huit directions cardinales, les Satsu-kami-sama (dieux tueurs), les dieux qui pointent du doigt (Tomo-biki-kami-sama) ; ceux qui entraînent dans le malheur des profondeurs les esprits des marins ; les esprits malins (Akki) et les hérétiques (Géddo) des montagnes et des plaines, que tout cela soit briser afin que surgisse la puissance lumineuse du dieu. Que soit fendu le « cœur de méchanceté, que soit couper « les racines des choses mauvaises », pour qu’enfin soit possible de suivre les lois divines du dieu…..no kunako (vient du sanscrit et signifie : jamais briser) .../...

Faire ensuite le rituel de Fudo puis conclure par : BAN HUN TARAKU, KIRIKU, AKU HUN, KANMAN BORON. Que toutes les impuretés se dissolvent, que les os soient réduit en poussière de sable et disparaissent, que les muscles soient écorchés et le sang vidé puis répandu au loin, que les esprits maléfiques renvoyer à la « porte divine » des quatre gardiens terrestres. Les ennemis sont vaincus, les grands démons se prosternent et les grands vœux sont exaucés… »

 

Il existe un texte sacré et secret , le Shômudoson Dai-hi-Nu Himitsu kyo (le sutra secret du précieux grand Saint enflammé Immuable) qui explique la récitation et l’utilisation du mantra secret de Fudo.

 

Les divers rites ou pratiques liées à Fudo sont nombreux: la méditation sous les cascades (takigyo), les ablutions dans la mer ou les rivières (mizugyo), les rituels de l’oblation du feu (goma) ou de marches dans les braises (kassyo-zanmai)..

Il y a le rite purificateur du sabre de Fudo (Hoken-saho) dans le grand rituel du feu à l’extérieur, saito dai goma. Il y a aussi les rituels de protection et d’exorcismes en invoquant Fudo (Fudo-djo-saho) et des rituels ou le prêtre jette un sort pour immobiliser une personne psychiquement; le rite où est utilisé mentalement la corde que tient Fudo dans sa main pour immobiliser psychiquement les êtres difficiles (Fudo Kannashibari-hô).

 

Fudo reste une divinité majeure dans le bouddhisme ésotérique et le bouddhisme montagnard où un nombre considérable de rites et cérémonies religieuses lui sont dédiées !

Voilà pour la divinité centrale des courroucées.

 

Ensuite, se trouve GOZANSE MYÔ « Roue d'Autorité » du Bouddha ASHUKU qui dirige l'Est, la terre de Sakyamuni rappelle la victoire sur les démons passionnels. Il incarne le bodhisattva Kongosattva. Il représente la phase initiale du processus d'ébranlement vers l'eveil. Il l'exprime sur le mode « purgatif », au moyen de la destructrion au préalable des éléments qui pourraient contre-carrer le processus. C'est la sublimation du « triple monde »: monde régit par le désir, monde des formes et monde de la non-forme. Mais aussi sur les 3 poisons que la sottise, la colère et la cupidité! Il foule du pied le dieu Shiva et son épouse qui représente l'hindouisme. Son enseignement est le premier à travailler pour un méditant.

Temple Honzanji N°70 Le Vidyaraja Daiitoku Myô entouré des buddhas Amida et Yakushi

Au sud, se trouve GUNDARI Myô, il incarne la seconde étape de « l'atteinte de l'état de bouddha en 5 aspects », marqué par le don à tous les êtres de la révélation de leur Nature d'Eveil. Son nom signifie « jarre d'onction » ou vase à ambroisie (kundika). Il n'est pas sans rappeler le mot kundalini et porte même des serpents lovés autour de ses bras et de ses chevilles. Il contrôle les venins et la réussite des remèdes.

A l'Ouest est DAIITOKU Myô « Celui qui a grande Puissance Majestueuse », il représente la 3ème phase du développement de l'atteinte de l'état de Bouddha que caractérisent la compréhension de la Nature prpore des êtres et la mise en oeuvre de la Grande Compassion, Comme ts les autres MYÔ, sa mise en oeuvre se fait sur le mode « combattif », consacrant toutes ses forces à réduire les puissances hostiles, considérées comme « porteuses de mort » d'où son nom sanscrit YAMANTAKA, celui qui a vaincu la Mort!

Au Nord est KONGÔYASHA Myô (yaksa adamantin). C'est la « roue d'autorité » de la Vraie Loi. Il symbolise la 4ème étape qui est celle de l'acquisition d'une liberté totale d'agir, et de créer des formes à volonté, mise à profit pour l'activité prédicante. Il est en rapport avec l'être adamantin lui-même, le chef de la lignée de vajra. De part sa nature, il n'est ni humain, ni divin, c'est un yaksa; un demi-dieu à la limite du démoniaque dont le bouddhisme en a fait un de ses protecteurs les plus méritants. Son autre nom secret est TANJIKI KONGO, diamant dévorant. Il dévore et avale en effet toutes les impuretés. Parfois assimilé à Ususama Myô dans certaines traditions ésotériques de l'école Tendai. Il est figuré avec 3 faces et un total de 5 yeux avec le frontal vertical & horizontal. Il veille dans les 3 lignées: buddha, padma et vajra. IL a 6 bras indiquant qu'il agit dans les 6 mondes subalternes. Dans ses mains principales on reconnaitre le sceptre à cinq branches et la cloche qui sont les attributs de Kongosattva.

Ce mandala complet en trois dimensions se terminent par les Dieux-gardiens des points cardinaux, veillant de l'Est à l'Ouest il y a Bonten puis veillant de l'ouest vers l'est il y a Taishaku-ten. Dans la copie du mandala 1/3 sculptée par Manyoshu pour Guimet, les dieux Indra & Brahmâ ne sont pas reproduits. Les Dieux-Rois gardiens sont: à l'est JIKOKU-TEN, au sud ZÔCHÔ-TEN, à l'ouest KÔMOKU-TEN, et au Nord, TAMON-TEN.

 

Pour reprendre en schématisant, on peut dire que sont en relation:

Chuo Dainichi Daishô Fudo Myô, centre, Dainichi Nyorai, Kongôharamitsu

Hôkkai Taisho-chié, Dharmadathu svabhavana-jnana (sagesse de la réalité subjective de chaque élément).

Gozanse Myô, à l'est, Ashuku Nyorai, Kongôsattva

Daienkyô-chié, adarsa-jnana (sagesse qui reflète tous les choses du monde phénoménale comme dans un clair miroir)

Gundari Myô, au sud, Hosho Nyorai, (kongoho)

Byôdô-chié, samâtâ-jnana ( sagesse d'équanimité face à la véritable nature de tous les phénomènes)

Daitoku Myô , à l'ouest, Mûryôju/Amida Nyorai, Kongôhô

Myôkanza-chié, pratyaveksana-jnana (sagesse qui établit un ordre standard afin de résoudre de nombreux doutes concernant les personnes)

Yamantaka Myô, au nord, Fukûjoju Nyorai, Kongôyasha

Jôshosa-chié, Krtyânusthâna-jnana, (sagesse qui élabore et engendre des « facultés » qui vont être bénéfiques à la fois aux autres et à soi-même!

 

 

SENTAI FUDO, Chapelle des 1.000 Fudo

Cette chapelle est exceptionnelle!

La multiplication à l'infini des images bouddhiques est en relation avec JAPPA, la récitation ininterrompue des roues de mantra jusqu'à 1 million...

C'est un vieux thème qui tire son origine dans le « Récit de Sarasvati » et auxquelles les conceptions du Mahayana relatives à un salut immensément élargi, devaient donner une vitalité nouvelle. Le Japon emprunta à la Chine le thème des 1,000 représentations de bouddhas. La plus fameuse représentation est sans sans doute celle des 1.000 statues de SenjuKannon du temple Sanjusangendô de Kyoto.

Si des représentations de 1.000 Jizo sont relativement fréquentes au Japon, par contre celle du SENTAI FUDO est exceptionnelle!

Le caractère uniforme des statues laisse penser que ce fut un ascète (Omisoka yamabushi) du Shugendo qui lors d'une retraite de 1.000 jours (3ans 3 mois et 3 jours) au fond d'une caverne en sculpta une par jour...comme si elles étaient produites dans un atelier. Fudo Myô est un personnage centrale de la pratique des Yamabushis. De surcroit cette chapelle présente 2 encoches où peuvent être glissées des barres en bois permettant de la clore hermétiquement afin de la transporter plus facilement. On sait bien que les ascètes, une fois leur retraite achevée, passaient dans les villages et ouvraient leur chapelle, transportée sur leur dos, afin d'effectuer des exorcismes, bénédictions et prières.

 

 

AIZEN MYÔ bois laqué rouge 30,5 cm hauteur: Aizen signifie « attraction amoureuse ». Dans l'inde bramanique il y a un dieu de l 'amour charnel nommé KÂMA, assimilé au dieu MARA, celui qui fait mourir. La couleur de son corps est le rouge vermillon couleur de la concupiscence. Le 16ème chapitre du sutra de l'école shingon du RISHUE KYO lui est entièrement consacré! Il indique la Voie Royale pour transmuter les énergies sexuelles en énergies d'éveil. A lui seul, sa pratique est tantrique! Son soeur cadette est la Colère (Khroda). Mais dans l'ésotérisme bouddhique, l'exaltation et le contrôle des Passions pures de toutes souillures conduit à l'eveil (Bonno soku Bodai). Dans le mandala du plan duy Diamant (kongokai mandala), il est expliqué dans le sutra RISHUE (le texte sur la Conduite selon la Perfection de Sapience) que ces 9 mandala explique la doctrine de « la Pureté de la Nature propre de toutes choses » et l'illustre à travers toute une suite de thèmes dont les premiers sont ceux de « l'union merveilleuse », de l'attouchement, du Lien d'Amour et de l'Orgueil. Comme Kongosattva il portent les mêmes attributs! Au temple TÔJI, il ne figure pas dans le grand mandala mais possède son propre mandala dans un édifice qui lui est dédié. C'est le Maître des Passions. Si Fudo reprséente la compassion paternelle, Aizen lui représente la compassion maternelle. On dit que la flèche de la statue d'Aizen sculptée par le moine EISON au temple Saidaiji en 1247 aurait déclanché le typhon qui sauva le Japon de la seconde tentative d'invasion du pays par les mongols... Dans les cérémonies il est invoqué afin de capter les les sentiments d'autrui. De part le terme indigo dans son nom (sen, soma ou aizome), il est le protecteur des teinturiers. Les professionnels de l'amour l'ont aussi en Saint Patron. Amour religieux rejoint ainsi l'amour profane. La seconde statuette d'Aizen aurait été ramené par Kukai lui-même de Chine, après que Ganjin l'ait pu ramener la première dans ses bagages lors de sa venue au Japon.

La statuette d'Aizen seul du musée Guimet semble avoir été au célèbre temple temple Saidaiji une commande de la famille du Shogun Tokugawa...

 

Tenkyü Aizen chapelle haute de 31cm et large de 16cm iconographie rare car l'arc est bandé...

 

Chapelle de Fudo & Aizen: hauteur 22 cm et largeur 24 cm, chacun est à l'intérieur d'une grotte, union secrète des colères paternelle et materneles

 

Ryôtô Aizen: Aizen bicéphale, hauteur 13cm et largeur 8cm; Fudo est la tête de gauche. Représentation très connue à l'époque Heian; les mains sont celles de Kongo sattva...

 

ROKUJI MYÔ: c'est une divinité courroucée dont le culte est secret. Il fut prôné par l'empereur Goshirakawa il y a 900 ans pour éloigner les calamités. L'empereur aurait fait placé 7 statues de ce personnage aux côtés du bouddha de médecine Yakushi qui est aussi un protecteur du Pays.

A ma connaissance c'est le seul exemplaire statutaire connu de cette divinité, car appartenant au shugendo! C'est un Vénéré qui regroupe à lui seul toute la puissance des 6 Kannon; sa puissance est celle des syllabes-germes des 6 Kannon. Il existe une très belle peinture au temple Hôjuin de Koya san. Pour un Myô, son visage est serein et la couleur de sa peau est verte, couleur du futur bouddha bouddha Maitreya. Il possède 6 bras armés.

 

De nombreuses autres statues faisant partie de la collection d'Emile Guimet, comme Kujaku Myô, ne sont pas montrés lors de cette exposition sur les Ofuda de Professeur Bernard Franck.

 

 

Zao-Gongen et les monts Ominé

Le mont Kimbusen et le bouddha courroucé Zao-gongen

J'en ai un peu parlé ce matin lors des maîtres de l'ésotérisme puisqu'elle est liée à Enno Gyoja et à la doctrine du Zômitsu (ésotérisme mélangé) car bien que ce soit un gongen, son apparence est celle d'un Courroucé.

Ofuda du temple Kinpusenji du village de Yoshino dans la préfecture de Nara

La tradition nous apprend qu’En-no-gyoja fréquenta le Mt Kinbusen (ou Kinpusen) dans les années entre 672 et 685, sous le règne de l’Empereur Temmu. Voici un extrait du Taiheiki, livre du quatorzième siècle, livret 26, chapitre intitulé : « Yoshino dans les flammes » :

«Jadis En-no-gyoja fit une retraite de mille jours sur le mont Kimbusen pour aider au salut universel. Il pria pour qu’un Bodhisattva apparaisse sous une forme vivante. Kongo Zao (Vajragarbha) surgit sortant du sol sous la forme du Bodhisattva Jizo, l’air doux et patient. En-no-gyoja, en colère, lui dit en lui faisant baisser la tête après l’avoir projeté au sol, d’où la statue du Nagé-jizo, le Jizo projeté qui se trouve à Yoshino. « Si tu veux sauver les êtres des mauvais mondes futurs, une figure telle que la tienne ne convient pas du tout ! » Alors Zao s’envola au sommet du mont Daisen, dans la province du Hoki et revint plus tard sous la forme d’un être fort et furieux. Il tenait dans la main droite le sceptre/foudre à trois pointes, en le brandissant au-dessus de la tête, les coudes relevés. Il semblait subjuguer les démons qui font obstacles à la Loi. Levant la jambe, il frappa le sol du talon en déployant toutes les vertus du ciel et de la terre. En-no-gyoja lui aurait élevé une chapelle. »

Notons que si le texte précédent donne à Zao, son titre et son nom bouddhique, c’est sous sa forme d’avatar (Gongen) qu’il réapparut la seconde fois et c’est sous cette forme qu’il continue d'être vénéré de nos jours dans le shugendô. Il s’est donc accompli la métamorphose classique de la doctrine Ryobu-Shinto qui s’exprime par la formule « honji-suijaku » : le corps originel laisse descendre ses traces, autrement dit, un personnage bouddhique apparaît sous les traits d’une divinité shinto.

Comme bodhisattva, Zao n’a rien de menaçant dans l’attitude ou l’expression. Mais entré dans le panthéon "Shinto" (du Shugendo), il devient terrifiant. Dans le sutra Avatamsaka (Kégon-kyo), Zao autre nom de la divinité Kongo-bu, Vajragarbha en sanscrit, qui signifie Poing Adamantin, explique «  les dix étapes de la carrière d’un bodhisattva ». A l’époque Heian, il ne fût vénéré qu’au temple du Kimbusen. Ensuite l’école Shingon le fit figurer dans son mandala. Puis le Ryobu-Shinto s’empara de lui et Zao devint Zao-Gongen ! Au onzième siècle dans l’ouvrage intitulé Konjaku-monogatari (chroniques des choses anciennes), on associa Zao-gongen et En-no-gyoja et il devint l’un des personnages les plus vénérés par tous les Yamabushi. Le bouddhisme ésotérique l’appelle tantôt Tôkyo-kongo (Vajra qui donne un enseignement spécial) ou bien Himitsu-Kongo (Vajra diamant secret) ou encore Rigen-Kongo (vajra possédant un pouvoir merveilleux). La doctrine ésotérique en a fait l’un des seize Vénérés de la Bonne période du monde du Diamant et le représente sous la forme d’un Roi de Lumière courroucé (Myoo) ou Roi de Science. Messager du Bouddha cosmique Vairocana, il secoue les êtres de leur apathie que le manque de volonté rend difficile à instruire. Il subjugue en terrassant. La doctrine propre au Shugendo est allée plus loin, puisqu’elle affirme qu’il n’existe pas de différence entre sa mission et celle du Bouddha historique Sakyamuni: "Jadis, il était sur le Pic du Vautour, son nom était Muni. Aujourd’hui, pour sauver les êtres, c’est Zao ! La protection de Zao n’est pas douteuse". Possédant un pouvoir surnaturel (Reigen), il est normal que tous les Yamabushi sollicitent de sa haute bienveillance et l’octroie de cette puissance merveilleuse. Pour les Yamabushi du Kimbusenji, Zaogongen est à la fois Sakyamuni (le bouddha du passé), Kannon Bosatsu (le Bodhisattva du présent) et Miroku Bosatsu (le bouddha du futur, le Bodhisattava Maitreya). Zao-Gongen veille sur le Shugendo, en attendant le retour du prochain Bouddha dans le futur ! La légende dit aussi, qu’En-no-gyoja avait appris à contraindre les esprits (kijin) afin qu’ils édifient un pont reliant les monts Katsuragi au mont Kimbusen, situé à l’orée des monts Ominé. Alors le souvenir des monts Katsuragi s’estompa au profit de ceux du Kimbusen, et la renommée grandissante d’En-no-gyoja se lia au Kimbusen. Le Kimbusen devint célèbre pour de multiples raisons. Il y eût d’abord dans cette montagne de Yoshino (parmi les dix sanctuaires shinto) des dieux (kami) liés au sol et à l’agriculture que l’on vénérait depuis fort longtemps. Le sanctuaire du Kimbu était réservé au dieu du sol. Le sanctuaire de Mikumari au dieu Komori, celui qui apporte l’eau du ciel et le sanctuaire Yamaguchi, dédié à la déesse Katté dont l’action se situe sur l’eau des sources de la montagne de Yoshino. On vénérait ces trois temples pour l’eau des pluies et des sources, si importantes dans l’agriculture. Puis dans le voisinage des sanctuaires shinto, on éleva plus tard un temple bouddhiste. On fait remonter sa fondation sous l’ère Tempyo, la même que celle qui la construction du Grand Bouddha de Nara (La plus grande statue du Japon, une représentation de Vairocana ou Birushana) . Quand la doctrine Ryobu-Shinto se développa, ce temple administra tous les temples bouddhiques ou sanctuaires shinto de la région. De la chapelle primordiale, on éleva un édifice en bois, le second plus important du Japon par la taille, avec que des poutres chevillées; pas un seul clou ! Un édifice si important qu’il puisse contenir trois statues de sept mètres de haut de Zao-Gongen : le Zao-dô, la chapelle de Zaô. Yoshino qui abrita la cour impériale du sud à l’époque des deux cours (période Nanbokucho de l’empereur Go-Daigo) est aussi réputé dans tout le Japon pour ses milliers de cerisiers qui fleurissent à la mi-avril.

 

C'est la pratique majeure des courroucés

(Les Six perfections de sagesse ROKU-HARAMITSU en jp)

Cultiver ces six Perfections est l’exercice le plus important pratiqué quotidiennement. C'est un véritable moyen de transférer les mérites à autrui! Si on pratique ces six perfections avec son âme et sa chair, d'abord lors du pèlerinage dans les monts Ominé, tôsô shûgyo, puis dans la vie quotidienne, joji no shugyo, on obtiendra « dans cette vie, avec ce corps» la vision de l’illumination d’un bouddha.

1) DAN-HARAMITSU (le don, la charité) Ofusé-haramitsu en japonais, en scrt ‘dana’. Lorsque les Sendatsu (guides) durant un pèlerinage racontent les histoires et donnent l’enseignement, cette offrande se nomme O-sei-fusé, le Grand Don ! Si quelqu’un a faim ou soif, on pratique alors Busei ou Zaisei. Si l’on donne quelque chose qui nous appartient, ou bien que l’on allège une personne en lui portant ses bagages (en portant sur soi les problèmes d’autrui, en extirpant ses angoisses et ses craintes) on pratique Muisei. Ne rien attendre en retour, un pur altruisme est la condition de réussite de la pratique de cette Perfection !

2) SHIRA-HARAMITSU (la Discipline, l’observance des règles et des Lois) Jikai haramitsu en japonais courant, en scrt ‘sila.

Suivre les dires des plus anciens (sempai) et vétérans (doshu), des Sendatsu, Daisendatsu et autres, respecter la discipline et l’ordre dans les actions. Posséder et faire preuve de politesse à l’égard de tous .

3) SENDAI-HARAMITSU (courtoisie et patience) Ninikku-haramitsu en Japonais usuel, en scrt Ksanti, faire preuve de courtoisie et montrer de la patience en toutes circonstances. Froid, faim, fatigue, chaleur, ne jamais parler de ses problèmes en s’apitoyant sur son sort. Si cette règle ne peut être suivie en montagne, ce n’est pas un miné-iri ! Faire preuve de patience, envers des personnes qui ne peuvent comprendre encore l’enseignement profond.

4) BIRIYA-HARAMITSU (L’assiduité) Shojin haramitsu en Japonais courant, en scrt ‘Viriya’. Ne jamais être paresseux. La patience doit être courageuse pour pouvoir aplanir les difficultés, venir à bout des problèmes, et faire croître les bonnes dispositions. Par rapport à l’abstinence du corps avec la viande, les yamabushi l’appellent cet état d’âme « Abstinence de l’esprit » ! Il faut aussi regarder autrement : « Des vêtements en piteux états, une mauvaise nourriture ne doivent pas nous empêcher de continuer la pratique ».

5) ZENNA-HARAMITSU (la méditation, la concentration) Zentei haramitsu en langage japonais non bouddhique, en scrt "Dhyana" Focalisation de l’esprit sur une idée. En montagne, lorsque l’on passe un endroit difficile et dangereux, sécurisé néanmoins par des chaînes par exemple, on ne peut être dissipé. Il faut être concentré sur ce que l’on fait ! Ce qui fait dire aux pratiquants : « Que nous devons grimper aux chaînes comme nous nous asseyons sur notre cousin de méditation » non pas en dilettante mais en étant très concentré pour éviter de chuter dans les ravins quelques centaines de mètres plus bas!

6) HANNYA-HARAMITSU (la Sapience, la sagesse qui discerne et permet une transcendance) Chié haramitsu, en scrt "prajna" la sapience. C’est la plus haute vertu qui mêlée aux autres permet d'atteindre les plus hauts niveaux de connaissance. Lors du pèlerinage, on possède une chance de se séparer de ses mauvais désirs et de retourner à l’état adamantin. C’est pour cela que la montagne aide au polissage. On peut y trouver en parcourant les sentiers, la véritable connaissance. Devoir renoncer au « miné-iri » et redescendre car le corps physique ne tient pas, en cours de route, de la cime des sommets de l’Ominé, était auparavant considérer par tous comme une marque profonde d’ignorance (mumyo) car l'être vraiment sincère trouve toujours l'aide et la force des Bouddhas...

Dans le mikkyo, le rituel est une triple action permettant à la Conscience de franchir des Plans. C'est par les méditations durant les rituels que le cerveau engendre des ondes gamma en grand nombre...

(allusion aux travaux américains du « Mind & Life Institute »)

Ofuda du temple Tairyuji N)21 (temple du Grand Dragon) dont la divinité est Kokuzo bosatsu en sanscrit Akashagarbha), le bodhisattva de l'espace que Kukai invoqua dans la caverne du Mikurodo

Question sur Aizen Myô à propos de cette divinité tutélaire concernant certaines écoles d'arts martiaux traditionnels japonaises... oui effectivement, mais certaines écoles ont abusées de ces « connaissances » soit disant secrètes afin de garder leurs plus proches étudiants ou disciples (voir à ce sujet l'ouvrage de SERGE MOL: INVISIBLE ARMOR éditions Seibusha).

 

Puis comme ce matin, nous nous sommes rendus au premier étage du panthéon bouddhique dans le hall des bodhisattva et Bouddha afin de voir 2 statues particulièrement exceptionnelles:

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  • Le grand Bodhisattva Seishi, Mahâsthâmaprâptâ en bronze. Elle daterait du début VIII ème siècle et ferait partie du triptyque d' AMIDA sanzon au cotés du Bouddha Amida et de Kannon (qui n'est plus exposé avec) du fameux temple Hôryuji à Nara. Elle ferait partie d'un ensemble nommé, Triade de Sakya & Yakushi qui est toujours exposé dans le Kondô. Dans un document datant de 1890, il est indiqué que la triade est complète mais que la statue actuelle de Seishi au sein du temple au Japon est en bois, contrairement aux deux autres qui sont en bronze...

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  • et Le bodhisattva DAIZUIGU dont le rite très secret était demander par l'empereur pour la stabilité du pays...

Ensuite au rez de chaussé, explication succincte de:

 

  1. Daisho Kangiten: petite statue en bois représentant l'étreinte sacrée de Ganesha mâle et femelle. Son culte secret est censé apporté fortune et richesse. Le mâle marchant sur les pieds de la femelle afin de l'emêcher de briser "l'Accouplement".

  2. Tanshin Binayaka: le dieux à tête d'éléphant destructeur d'obstacles. C'est exceptionnel de le voir ainsi car c'est au Japon une divinité cachée (hibutsu). Elle est en bronze car elle est oint d'huile durant les cérémonies secrètes

  3. Kyôshô: les 9 astres, Soleil (Nichiyô), lune (Gatsutô), mars (kayô), mercure (suiyô), jupiter (mokuyô), Vénus (kinyô), saturne (doyô), démon des éclipses (rago-sei), démon des comètes (keishu, ou keito-sei).

  4. Myoken, l'étoile polaire, chevauchant la tortue-serpent noire Gogenbu

  5. Sambô Kôjin: le dieux sombre à trois visages, divinité secrète du temple Shogoin, gardien du feu, et destructeur d'obstacles...

  6. Tengu et Izuna daigongen ainsi que les Ofuda qui lui sont liées... Présence de l'Ofuda de Gozu Tenno, le dieu Empereur portant une tête de taureau qui fut le faux prétexte de la séparation du shintoisme et du bouddhisme à l'époque Meiji (shinbutsu bunri / shinbutsu Kishaku)..

 

 

QUESTIONS/REPONSES

 

FIN DE LA CONFERENCE GUIDEE 15h30/16H

 

Si vous souhaitez que cela se fasse à nouveau, veuillez contacter le service culturel et pédagogique du musée Guimet afin d'en faire la demande. Pour ma part, une série de 6 interventions couvriraient l'ensemble du panthéon japonais visible au musée Guimet et je me ferais une joie et un honneur de renouveler cette expérience à votre convenance...